Pierre et Jean
Roman de Guy de Maupassant (1888), qui donne dans sa « préface » (Le roman) une définition de son esthétique : elle unit l'analyse psychologique à l'objectivité du récit.
À l'occasion d'un héritage inattendu, Pierre découvre que Jean n'est pas son vrai frère et, par contrecoup, que sa mère n'est pas la femme vénérable qu'il respectait. Cette révélation va bouleverser l'harmonie familiale.
En mettant en scène l'enquête minutieuse d'un fils jaloux et tourmenté, Maupassant signe ici un petit roman tragique et féroce, qui reprend les plus sombres de ses obsessions : la fausse paternité, l'adultère, la bâtardise, le pouvoir assassin de l'argent et la hantise du double.
Morceaux choisis
Chacun de nous se fait donc simplement une illusion du monde, illusion poétique, sentimentale, joyeuse, mélancolique, sale ou lugubre suivant sa nature. Et l'écrivain n'a d'autre mission que de reproduire fidèlement cette illusion avec tous les procédés d'art qu'il a appris et dont il peut disposer. […] Les grands artistes sont ceux qui imposent à l'humanité leur illusion particulière.
(Le roman).
Jamais il n'avait rencontré une difficulté dans sa vie. Il est des hommes qui se laissent aller comme l'eau qui coule. Il avait fait ses classes avec soin, pour n'être pas puni, et terminé ses études de droit avec régularité parce que son existence était calme. […] Il aimait l'ordre, la sagesse, le repos par tempérament, n'ayant point de replis dans l'esprit ; et il demeurait, devant cette catastrophe, comme un homme qui tombe à l'eau sans avoir jamais nagé.
(Chapitre VII).