Sept contre Thèbes (les)
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».
Tragédie d'Eschyle (467 av. J.-C.), troisième d'une trilogie comprenant par ailleurs Laïos et Œdipe.
Le sujet des Sept contre Thèbes est le conflit qui, vers 1213 av. J.-C. (suivant le calcul d'Ératosthène) oppose les deux frères, Étéocle et Polynice, se disputant la royauté après l'exil volontaire de leur père, Œdipe, dont ils ont encouru la malédiction, malédiction approuvée par Zeus.
Polynice, ayant appris d'un oracle que la victoire sera accordée au camp rejoint par Œdipe, adresse des supplications à son père. Il se présente comme un exilé, chassé de sa patrie par son propre frère, alors qu'il prétend justement au trône. Réfugié à Argos auprès d'Adraste dont il a épousé la fille, il a mis sur pied une armée pour forcer les portes de Thèbes. Mais voilà, les oracles ont prédit la victoire au parti qu'Œdipe aura rejoint. Œdipe n'est-il pas un mendiant, un vagabond comme ce fils qui le supplie ? N'aspire-t-il pas de nouveau à revoir sa chère patrie ? Polynice tente d'obtenir les faveurs de son père. En vain. Tourmenté par Mégère, il décide de prendre les armes avec, cette fois, une seule idée en tête : massacrer son frère.
C'est à la tête d'une armée d'Argiens, et en compagnie de six autres chefs – Amphiaraos, Capanée, Étéoclos, Hippomédon, Parthénopée et Tydée –, que Polynice revient aux portes de Thèbes pour réclamer le royaume qui lui est dû. Il faut remarquer que la composition du groupe des Sept Chefs est ici conforme à la pièce d'Eschyle, mais que d'autres auteurs donnent des listes légèrement différentes.
Le chœur, composé de Thébaines, cédant à la panique, se lamente. Étéocle réprouve ces jeunes femmes au comportement indigne.
Un messager annonce à Étéocle que l'ennemi s'est organisé : Tydée à la porte Proïtos (de Proétos qui, après avoir été chassé d'Argos par Acrisios, s'est réfugié à Thèbes) ; Capanée à la porte d'Électre ; Étéoclos à la porte Néiste (de Néis, fille d'Amphion ou de Zéthos) ; Hippomédon à la porte Athéna Onka (Onka ou Onca est le nom donné à la déesse Athéna, à Thèbes, mais cette porte s'appelle également « Ogygie », d'Ogygès, héros de Béotie) ; Parthénopée à la porte de Borée ; Amphiaraos à la porte Homoloïs (d'Homoloé, fils d'Amphion) ; Polynice à la porte Dircé (ou Crénéienne).
Aux sept chefs sont opposés sept champions minutieusement sélectionnés par Étéocle : Mélanippos contre Tydée ; Polyphontès contre Capanée ; Mégaréos contre Étéoclos ; Hyperbios contre Hippomédon ; Actor contre Parthénopée ; Lasthénès contre Amphiaraos ; Étéocle contre son frère Polynice.
Les assaillants sont repoussés, la ville est sauvée. Mais un messager annonce que les deux frères se sont entre-tués. Leurs sœurs, Antigone et Ismène, sont plongées dans la douleur. Un héraut, au nom du peuple de Thèbes, déclare que Polynice, jugé traître à la patrie, sera privé de sépulture ; Étéocle, lui, sera enterré pieusement avec tous les honneurs. Malgré les menaces du héraut, Antigone jure qu'elle ensevelira son frère. Le chœur est divisé en deux : une parue soutient Antigone, l'autre se soumet aux volontés du peuple.
Le conflit qui oppose Étéocle et Polynice est également le sujet des Phéniciennes d'Euripide. Les Phéniciennes sont des femmes de Tyr en route pour Delphes ; elles ont fait halte à Thèbes. Dans la pièce, elles forment le chœur.
Même dans la mort, les deux frères se combattent ; Argia et Antigone jettent le cadavre de Polynice par inadvertance sur le bûcher où brûle celui d'Étéocle ; les flammes se repoussent, symbole d'une guerre absurde ; signe aussi que, même morts, les frères continuent de se haïr.
Voir aussi : Adraste
Le septième chef
le messager. Pour le septième chef, celui qui marche contre la septième porte et qui, il faut bien le dire, n'est autre que votre frère, de quelles fortunes il nous menace ! Franchir nos tours, entrer en roi dans cette ville, y faire retentir l'hymne de la victoire, et puis vous chercher et vous combattre, vous immoler, quand il devrait lui-même périr, ou, s'il faut que vous viviez, vous qui lui avez ravi l'honneur, vous flétrir à votre tour d'un exil déshonorant, voilà ses vœux ! il les proclame, il ose en prendre à témoin les dieux qui présidèrent à votre commune naissance les dieux de la terre paternelle. Sur son bouclier, d'un travail récent et habile, se voient deux figures : l'une, ciselée en or, est celle d'un guerrier ; l'autre représente une femme qui le conduit majestueusement par la main. « Je suis la Justice, lui fait dire l'inscription ; je ramènerai cet homme ; il rentrera dans sa patrie, dans la maison de ses pères... »
Étéocle. Ô race que les dieux égarent, que les dieux détestent ! race déplorable d'Œdipe ! malheureux ! maintenant s'accomplit la malédiction de notre père. Mais ce n'est pas le temps de pleurer ni de gémir ; il ne faut pas par mon exemple donner naissance à d'importunes lamentations... Ô Polynice ! On saura bientôt ce que produiront tes emblèmes ; si elles te feront rentrer dans Thèbes, ces lettres d'or que le métal bouillant a tracées sur ton bouclier avec ton insolence. Peut-être ; si cette fille de Jupiter, cette vierge céleste, la Justice, était pour quelque chose dans tes œuvres et dans tes pensées. Mais jamais, ni quand tu t'échappas des ténèbres du sein maternel, ni dans ton enfance, ni dans ta jeunesse, ni depuis que la barbe s'est épaissie sur ton menton, la Justice ne daigna t'honorer d'un regard ; et je ne pense pas que pour t'aider à opprimer ta patrie, elle réponde aujourd'hui à ton appel. Serait-elle encore justement nommée la Justice, si elle s'alliait à un mortel audacieux et sans frein ? Voilà ce qui fait ma confiance : c'est moi qui te combattrai ; oui, moi-même ; et quel autre ? Roi contre roi, frère contre frère, rival contre rival, je dois te combattre. Courez, apportez mon armure, ma lance, mon bouclier.
le coryphée. Ô cher prince ! ô fils d'Œdipe ! n'imitez pas dans sa rage celui dont tout à l'heure vous détestiez l'attentat. C'est assez que les enfants de Cadmos se mesurent avec les Argiens : le sang d'un ennemi peut s'expier ; mais le sang de deux frères, un double fratricide, quelle vieillesse assez longue pour en effacer la souillure ?
Étéocle. Quel que soit mon sort, je l'accepte, s'il est sans honte. Est-il d'autre bien après la mort ? Les lâches, quel renom laissent-ils ?
le chœur. Ô mon fils ! que veux-tu faire ? ne te laisse pas emporter à ces mouvements d'indomptable courroux, de fureur belliqueuse ; rejette, il en est temps encore, une criminelle envie.
Étéocle. Le ciel le veut et presse l'événement. Vogue donc, au vent de sa colère, sur les eaux du Cocyte, toute cette race détestée d'Apollon, la race de Laïos !
le chœur. C'est un farouche penchant qui te pousse à consommer un meurtre fécond en fruits amers, à verser un sang interdit à ton épée.
Étéocle. Non, c'est l'imprécation d'un père, cette furie vengeresse qui achève son œuvre ; elle est là, l'œil sec et sans larmes, qui me dit : La vengeance d'abord, et après, la mort.
le chœur. Garde-toi donc de l'animer encore. Seras-tu un lâche pour vivre avec innocence ? La noire Érinye n'entre point chez celui dont les mains restent pures, dont les dieux acceptent les sacrifices.
Étéocle. Les dieux ! ils se sont depuis longtemps retirés de nous. Notre ruine est toute leur joie. Le sort qui veut ma perte, pourquoi le flatterais-je encore ?
le chœur. Tu peux encore le fléchir. Peut-être avec le temps ce démon domestique perdra-t-il de sa haine ; peut-être deviendra-t-il plus doux, son souffle aujourd'hui si brûlant.
Étéocle. Brûlantes aussi sont les imprécations d'Œdipe qui l'ont allumé. Elles n'étaient point mensongères ces visions nocturnes qui m'ont appris dans mon sommeil comment doit se partager l'héritage paternel.
le coryphée. Veux-tu en croire des femmes, malgré ta haine pour leur sexe ?
Étéocle. Vains efforts ; c'est assez.
le coryphée. Quitte cette voie fatale ; ne va point à cette porte.
Étéocle. Pensez-vous par des paroles émousser le tranchant de ma colère ?
le coryphée. Une telle défaite est honorée des dieux.
Étéocle. Mais une telle maxime ne peut plaire à un guerrier.
le coryphée. Tu veux donc avoir le sang d'un frère ?
Étéocle. Si les dieux me secondent, il ne peut m'échapper.
Eschyle