Palamède
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».
Souverain légendaire d'Eubée.
L'intelligence et la sagacité de Palamède, roi d'Eubée, sont connues de tous. On raconte qu'il enseigne aux Grecs l'écriture (pas tellement pour savoir écrire que pour savoir ce qu'il ne faut pas écrire), la numération, la stratégie militaire et le jeu de dés et de dames. Car Palamède n'est pas qu'un guerrier. Il sait profiter des leçons de son maître, le Centaure Chiron. Les Grecs lui attribuent précisément l'invention de onze lettres ou l'adjonction de quatre lettres à l'alphabet de Cadmos et l'invention des jeux de dés et d'échecs, ces derniers permettant aux guerriers de tromper les longs ennuis sous les murs de Troie.
Agamemnon et Ménélas font appel à lui pour prendre en défaut Ulysse qui se prétend atteint de folie, donc inapte à guerroyer.
Palamède trouve Ulysse en train de semer du sel derrière une charrue à laquelle sont attelés deux animaux différents. Palamède place alors l'enfant Télémaque sur la trajectoire de l'attelage, contraignant son père à s'arrêter et à prouver, par la même occasion, sa pleine lucidité. Le roi d'Ithaque doit donc partir pour Troie. Plus tard, Ulysse est envoyé en Thrace afin d'y chercher du blé ; ne rapportant rien, il s'attire les sarcasmes de Palamède ; à quoi Ulysse réplique qu'il n'a qu'à aller lui-même en Thrace, il verra bien qu'il n'y a pas de blé. Palamède le prend au mot : il part et revient avec de grandes quantités de grain. Cette épisode envenime les relations entre les deux hommes.
Ulysse, qui a la rancune tenace, trouve le moyen de se venger. Avec la complicité de Diomède, il cache dans la tente de son rival une somme d'argent et une fausse lettre du roi Priam, rédigée par un prisonnier phrygien. Palamède, malgré un plaidoyer remarquable, est accusé de haute trahison et lapidé par ses compagnons.
Son frère Œax relate sur des rames la fourberie d'Ulysse avec l'espoir que l'une d'elles, emportée par le courant, arrive jusqu'à leur père, Nauplios qui navigue souvent. De fait, ce dernier, instruit du forfait, jure de le venger : au retour de Troie, la nuit étant tombée, il allume des feux sur les côtes escarpées du cap Capharée ; trompés, les navires grecs font naufrage.
Voir aussi : Nauplios
La tombe de Palamède se trouverait en terre éolienne, en face de Lesbos. On a identifié deux villes (peut-être les mêmes) qui pourraient avoir un rapport avec le monument dressé en l'honneur du héros : Palamédium et Polymédion.
Variantes : La mort de Palamède
I. Ulysse tue Palamède en le noyant dans la mer alors qu'il pêche, ou bien le jette dans un puits.
II. Ulysse et Diomède font croire à Palamède qu'ils ont découvert un trésor au fond d'un puits. Ils le persuadent d'y descendre le premier à l'aide d'une corde. Après quoi, ils lui jettent des pierres et l'écrasent et ce, avec la bénédiction d'Agamemnon qui craint de perdre sa suprématie au profit de Palamède, tant ce dernier est aimé par les soldats.
III. Palamède meurt en combattant, tué par une troupe d'ennemis anonymes.
IV. Palamède meurt d'une flèche décochée par Pâris.
V. Si Homère ignore totalement Palamède, c'est qu'il se refuse à parler en mal d'Ulysse puisque ce dernier est à l'origine peu glorieuse de sa mort.
VI. Ulysse, dont l'objectif, par vengeance, est de jeter le discrédit sur Palamède, fait écrire deux lettres par un soldat (qu'il tuera ensuite) : l'une censée avoir été envoyée à Palamède par les Troyens ; l'autre par Palamède aux Troyens. Dans la première, les Troyens offrent de l'or au Grec pour qu'il trahisse sa patrie ; dans la seconde, Palamède répond qu'il a bien reçu le trésor et qu'il l'a caché sous son lit. Quand l'affaire vient à s'ébruiter, personne n'ose croire Palamède capable d'une telle forfaiture et Ulysse lui-même, masquant son jeu, abonde en ce sens. Finalement, Palamède est reconnu innocent. Ulysse imagine alors un autre moyen de se venger. Avec la complicité de Diomède, il lui fait croire à l'existence d'un trésor, au fond d'un puits. Les trois hommes se rendent sur les lieux et Diomède, le premier, descend dans le trou. Les deux hommes lui jettent des pierres, jusqu'à le tuer.
Variante générale
L'histoire que la plupart des poètes racontent n'a rien de vrai, à savoir qu'Ulysse, alors que les Grecs s'arment contre Troie, simulant la folie, attache sa charrue avec un cheval et un bœuf et que Palamède le démasque en se servant de Télémaque. C'est sans délai qu'Ulysse se rend à Aulis et son nom est déjà célèbre parmi les Grecs pour sa ruse. Mais son désaccord avec Palamède commence pour ce motif : il y a eu une éclipse de Soleil à Troie ; l'armée se montre découragée, pensant que ce signe céleste fait référence à l'avenir. Palamède explique le phénomène : le Soleil s'obscurcit et devient invisible quand la Lune passe devant lui. « S'il annonce des malheurs, ce sont les Troyens qui en feront les frais, ajoute-t-il, ils furent les premiers à nous causer du tort et nous sommes venus ici en tant qu'offensés. Il convient également d'adresser des prières au Soleil qui se lève, en immolant un poulain blanc et sauvage. » Les Achéens approuvent son conseil (les paroles de Palamède les convainquent), alors Ulysse prend la parole à son tour : « Ce qu'il faut sacrifier, quelles prières il faut adresser et à qui, Calchas le dira : ce sont des choses qui concernent la mantique. Ce qu'il y a au ciel, et s'il y a un ordre ou non dans les astres, Zeus le sait, puisqu'il en est le découvreur et l'arrangeur. Toi, Palamède, tu dirais moins de bêtises si tu te consacrais aux choses terrestres au lieu de chicaner sur les choses célestes. » Palamède réplique : « Si tu étais sage, Ulysse, tu comprendrais que personne ne peut parler en toute connaissance de cause des phénomènes célestes sans connaître la plus grande partie des choses terrestres. Je ne doute pas un instant que tu sois loin de ces idées ; ne dit-on pas que pour vous, gens d'Ithaque, ni les saisons ni la terre n'existent ? » À la suite de ces propos, Ulysse s'éloigne, plein de colère, tandis que Palamède se prépare à affronter un calomniateur. Et, à deux autres reprises, Palamède démontre sa supériorité sur Ulysse, d'autant mieux qu'Achille le veut toujours comme compagnon d'armes : Palamède combat avec intelligence et courage et sa tempérance sait apaiser les ardeurs incontrôlées du fils de Thétis.
Se sentant méprisé, Ulysse n'en finit plus d'imaginer toutes sortes de manigances contre son rival. Un jour il approche Agamemnon et lui expose des accusations fausses, mais crédibles : Achille aspire au commandement suprême et Palamède est son homme de paille. Si l'on peut se contenter d'éloigner Achille, il est par contre nécessaire de tuer Palamède. Agamemnon ayant donné son accord, Ulysse conçoit de faire passer Palamède pour un traître que l'appât de l'or aurait fait changer de camp. Palamède, jugé et accusé, est lapidé par les Ithaciens et les Péloponnésiens, alors que le reste de l'armée, même s'il le croit coupable, continue de l'aimer. Agamemnon ajoute une autre souillure à la première : qui rendra les honneurs funèbres à Palamède sera immédiatement condamné à mort. Dédaignant cet édit, tant le chagrin le bouleverse, Ajax Télamon prend le cadavre dans ses bras, traverse la foule silencieuse des soldats et ensevelit Palamède comme il se doit.