Enfers

Les Enfers d'après Homère.
Les Enfers d'après Homère.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

1. Monde souterrain où les âmes des mortels se rendent après leur passage sur la Terre, pour y être jugées par Minos, Éaque et Rhadamanthe.

Hadès (Pluton) et Perséphone (Proserpine) en sont les dieux souverains.

Les anciens Grecs comme les Romains imaginent les Enfers (l'Orcus) comme une caverne immense où le mort est projeté depuis sa tombe ; d'où la crainte de mourir sans sépulture : ainsi, l'ombre de Patrocle prie Achille de l'ensevelir au plus tôt ; ainsi, Elpénor supplie Ulysse de ne pas l'abandonner sans pleurs ni funérailles.

Cinq fleuves arrosent le royaume : le Cocyte, le Léthé, le Phlégéthon, l'Achéron et le Styx que Charon, sur sa barque, se charge de faire traverser aux âmes. Cerbère, le chien monstrueux à plusieurs têtes, garde la porte principale : il veille à ce qu'aucun mortel ne pénètre dans le royaume, à ce qu'aucune ombre n'en sorte.

Voir aussi : Cerbère

Aux Enfers, les morts ne sont plus que des ombres vagabondes sans consistance ; elles gardent le souvenir de leur vie terrestre, qu'elles regrettent.

L'Énéide divise les Enfers en sept demeures

Après avoir endormi Cerbère, Énée et la sibylle rencontrent les âmes des nouveau-nés (première demeure) ; près d'eux, ceux qui sont morts à la suite d'une fausse accusation (deuxième demeure), et ceux qui se sont donné la mort (troisième demeure) ; un peu plus loin, dans le champ des Pleurs (lugentes campi), les âmes victimes de l'amour, telles Phèdre, Procris, Ériphyle, Pasiphaé... (quatrième demeure). Plus loin se trouvent les héros guerriers, comme Tydée et Parthénopée, Glaucus, Médon et Thersiloque... (cinquième demeure). Puis le chemin se divise en deux : le chemin de droite, celui de l'Élysée, conduit vers Dis, celui de gauche mène au lieu des justes châtiments, le Tartare. Au pied d'un rocher, s'élèvent de hauts et larges remparts entourés d'un triple mur : le Phlégéthon les enveloppe de ses torrents de flammes. En face, une porte énorme, qu'aucune force, humaine ou divine, ne pourrait briser. Dans les airs, une tour de fer se dresse. Tisiphone siège là, gardienne.

Là (sixième demeure) demeurent les Titans abattus par la foudre de Jupiter, les deux Aloïdes, Tityos, Ixion – bref, ceux qui se sont révoltés contre les dieux, contre Jupiter en particulier. Mais également ceux qui, durant leur vie terrestre, se sont rendus coupables d'adultères, ceux qui ont mené de mauvaises guerres... Être pur, Énée ne peut entrer dans le Tartare et n'en connaît que ce que lui en raconte sa guide.

La sibylle et Énée reprennent le chemin de l'Élysée (septième demeure), espace ouvert, ensoleillé, riant, où les ombres des héros, tels Ilus, Assaracus et Dardanus, chantent en chœur ; on y trouve également Orphée et Musée, les deux chantres de l'orphisme.

Sénèque brosse un tableau très didactique des Enfers.

Les Enfers, dans leur acception la plus large, prouvent que les Anciens croient en l'existence d'un au-delà qui rétribue les morts au mérite.

Les Enfers

Thésée, revenu des Enfers, raconte à Amphitryon ce qu'il a vu.

Sur le sol de Sparte s'élève une montagne fameuse, le Ténare, qui projette sur la mer l'ombre de ses forêts. C'est l'entrée du royaume de l'odieux Pluton. Là, au pied d'une roche escarpée, s'ouvre une profonde caverne aux vastes flancs, large souterrain par où doivent passer tous les peuples. Le seuil n'est pas entièrement obscurci de ténèbres – on y trouve encore quelques rayons de la lumière qu'on a laissée derrière soi, et les pâles reflets d'un soleil douteux qui trompe la vue. C'est un demi-jour semblable au crépuscule du matin ou du soir. À partir de là se déroulent des espaces infinis où doit se perdre toute race humaine. Il n'est pas difficile d'y pénétrer : la route elle-même vous conduit. De même que la tempête emporte quelquefois malgré eux les navigateurs, il y a là un courant d'air qui vous entraîne ; l'avide Chaos vous attire, les ténèbres vous enveloppent, et ne vous permettent plus de revenir sur vos pas.

Au centre de ce vaste abîme coule l'onde paisible du Léthé qui porte avec elle l'oubli des maux. Pour fermer tout retour, il étend ses nombreux replis, comme le capricieux Méandre qui semble tantôt se chercher, tantôt se fuir lui-même, incertain s'il doit descendre à la mer, ou remonter vers sa source. Plus loin s'étendent les eaux dormantes de l'affreux Cocyte. On n'entend là que les cris sinistres du vautour et les funestes présages du hibou et de l'orfraie. Là s'élèvent d'épais et sombres bocages que domine un cyprès. Sous son ombrage se tient le Sommeil paresseux, la triste Faim à la bouche béante, le Remords qui se voile pour dérober sa honte, la Peur, l'Épouvante, le Deuil, la Douleur frémissante, le noir Chagrin, la Maladie tremblante, et la Guerre un glaive en main ; puis, cachée dans le fond, l'impuissante Vieillesse qui affermit à l'aide d'un bâton ses pas chancelants.

amphitryon. Y a-t-il un endroit qui produise les dons de Cérès ou de Bacchus ?

thésée. Là point de vertes et riantes prairies, point de moissons balancées par un doux zéphyr, point d'arbres courbés sous le poids de leurs fruits. Ces profondes régions n'offrent partout que l'image de la mort et de la stérilité. C'est une terre affreuse, éternellement inculte ; c'est la limite où toute vie expire. L'air y est immobile ; une nuit sombre pèse sur ce monde engourdi : tout y respire la tristesse et l'horreur, et ce séjour de la Mort est plus hideux que la mort même.

amphitryon. Et où siège le roi qui gouverne les légers habitants de ce ténébreux empire ?

thésée. Il est dans un obscur enfoncement du Tartare un espace enveloppé de lourds et épais brouillards. Là, d'une source commune, s'échappent deux fleuves différents. Le Styx (c'est celui par lequel jurent les dieux) roule paisiblement et en silence ses ondes sacrées ; l'Achéron furieux s'élance avec un horrible fracas, et entraîne des rochers dans son cours qu'il est impossible de remonter. Ils entourent de leurs doubles replis le palais de Pluton, vaste demeure ombragée d'une noire forêt. Une immense caverne en forme le vestibule. C'est le chemin des Mânes et l'entrée des enfers. À l'entour s'étend la plaine où Pluton, fièrement assis sur son trône, reconnaît les âmes qui arrivent. Son air est majestueux, mais terrible ; son front menaçant, mais empreint encore de la beauté de ses frères et du cachet de sa haute origine. C'est le visage de Jupiter, mais de Jupiter lançant la foudre. Il résume en lui presque tout le sombre empire qu'il tient sous sa puissance, et son regard fait trembler tout ce qui épouvante les mortels.

amphitryon. Est-il vrai que la justice tardive saisit les coupables dans les enfers, et que les forfaits, oubliés de ceux même qui les avaient commis, y trouvent leur châtiment ? Quel est le juge qui tient la balance de la justice et recherche la vérité ?

thésée. Il y a plusieurs juges qui, assis sur des sièges élevés, prononcent un dernier arrêt contre les malheureux coupables. Ici c'est le tribunal de Minos, là celui de Rhadamanthe, là celui du beau-père de Thétis. Les scélérats souffrent les maux qu'ils ont faits : le crime retourne à son auteur, et le coupable est châtié selon ses œuvres. J'ai vu des rois cruels plongés dans des cachots, et des tyrans impitoyables déchirés de verges par des mains plébéiennes. Mais le roi qui a uni la douceur à la puissance ; qui, maître de la vie des hommes, a gardé ses mains pures ; qui, au lieu de rougir de sang son sceptre pacifique, a respecté les jours de ses sujets, après avoir fourni une longue et heureuse carrière, monte au ciel ; ou, reçu dans les riants bocages de l'Élysée, il devient juge aux enfers. Épargnez le sang des hommes, rois de la terre ; car vous aurez à rendre un compte plus rigoureux.

amphitryon. Il est donc vrai qu'il y a dans le Ténare un lieu réservé aux coupables, et que, comme on l'assure, les impies, chargés de chaînes, y souffrent des tourments éternels ?

thésée. Là l'infortuné Ixion tourne rapidement sur sa roue. Un énorme rocher menace la tête de Sisyphe. Altéré au milieu d'un fleuve, le vieux Tantale poursuit l'onde fugitive. Elle baigne son menton, et lorsque, tant de fois trompé dans son espoir, il croit la tenir, elle échappe à ses lèvres, comme les fruits se jouent de sa faim. Un vautour ronge éternellement le foie de Tityus. Les Danaïdes se fatiguent vainement à remplir leurs urnes. Les filles dénaturées de Cadmus s'agitent dans un transport de fureur, et les avides Harpyes menacent la table de Phinée.

Sénèque

Les principaux accès aux Enfers

Éphyre, près du fleuve Achéron, en Thesprotie : descente d'Orphée à la recherche d'Eurydice. Cumes, en Campanie (Plutonium) – lac Averne : descente d'Énée. Cap Ténare, en Laconie : Héraclès remonte Cerbère. Marais (ou lac) Achérusien (Héraclée Pontique) : Héraclès remonte Cerbère. Hermione, en Argolide ; marais Achérusien : Héraclès remonte Cerbère. Temple d'Artémis Sôteira (Trézène) : Héraclès remonte Cerbère, et Dionysos revient avec sa mère, Sémélé. Lac Alcyonien, en Argolide : Dionysos descend chercher sa mère, Sémélé. Bithynie, près du fleuve Achéron : sur le chemin des Argonautes. Plutonium ou Charonion, Acharaca, (en Carie) : antre où les malades viennent se faire soigner. Non loin de Rome : le « Divin Claude » y descend.

Les Enfers d'après Homère.
Les Enfers d'après Homère.