Delphes

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Petite ville de Phocide, fondée par Delphos, l'un des fils d'Apollon et de Thya.

Située au pied du mont Parnasse, de nombreux cultes y sont rendus : à Gaia (la Terre) – le plus ancien (IIe millénaire av. J.-C.) –, à Python, aux Muses qui y résident, mais surtout à Apollon (xiie siècle av. J.-C.), dont l'oracle acquiert une renommée extraordinaire. Il y a, dans le sanctuaire d'Apollon, une pierre de forme conique, l'Omphalos, qui est celle que Cronos a avalée, croyant dévorer son fils Zeus, et qu'il a ensuite recrachée, son point de chute marquant le centre, le nombril du monde. Oint d'huile, l'Omphalos est l'objet d'offrandes. La tradition locale fait de Corétas, un berger, le premier qui ait prononcé des paroles inspirées et fait connaître la vertu de l'endroit.

On célèbre les jeux Pythiques (Pytho étant synonyme de Delphes chez Homère), en l'honneur d'Apollon après sa victoire sur le terrible serpent Python, divinité chthonienne, envoyé par Héra pour persécuter sa mère, Léto. On vient de la Grèce entière consulter l'oracle ; la légende veut que Thémis, fille de Zeus, ait occupé le siège avant Apollon, qu'ensemble ils aient fondé l'oracle afin de servir l'humanité en prescrivant aux consultants les meilleurs comportements. Rois et simples citoyens peuvent poser leur question, à condition d'avoir fait des offrandes au temple.

Une prêtresse, la pythie, donne les réponses. Elle est assise sur un trépied en bronze, devant une crevasse pratiquée dans le sol, par où s'échappent des vapeurs enivrantes censées révéler la volonté divine. La pythie, dans un état de délire sacré, est assistée par des exégètes qui traduisent en hexamètres ses réponses, et qui aident les auditeurs à les interpréter. En réalité ces réponses sont rédigées par les prophètes attachés au temple, prophètes qui, soit dit en passant, vivent dans le luxe.

La vénération attachée à ce sanctuaire, dit Strabon, lui vient en grande partie de son oracle qui passe pour le plus véridique de tous ; à cela s'ajoute sa situation, puisqu'il est placé, à quelque chose près, au centre de la Grèce entière, celle de l'intérieur de l'Isthme comme celle de l'extérieur. On a même pu dire qu'il se trouve au centre de la terre habitée, et on lui donne le nom de « nombril de la terre ». Là, selon la légende rapportée par Pindare, se sont rencontrés deux aigles, lâchés en même temps par Zeus, l'un venant d'Orient et l'autre d'Occident. Ces oiseaux apparaissent à l'intérieur du temple, sur une sorte de nombril ceint de bandelettes. Delphes, par sa fonction de centre religieux mais aussi par ses jeux, joue un rôle important dans la cohésion des cités grecques. Le sanctuaire ne survit pas à Théodose qui, par l'édit du 8 novembre 392, proscrit définitivement le paganisme.

Delphes et son amphictyonie

La réputation qu'avait l'oracle de Delphes d'être plus véridique que tous les autres a été assurément la cause principale du respect extraordinaire dont son temple a été l'objet ; mais sa situation géographique a dû aussi y contribuer. Le temple de Delphes, en effet, se trouve être le centre ou peu s'en faut de la Grèce ; on l'a même longtemps considéré comme étant le centre de la terre habitée. De là cette dénomination de nombril de la terre qu'on lui a appliquée ; de là aussi cette fable qu'on lit dans Pindare, de deux aigles que Zeus aurait fait partir en même temps l'un de l'Occident et l'autre de l'Orient, et qui se seraient rencontrés juste en ce lieu.

Une situation si commode fit de Delphes tout naturellement un lieu de rendez-vous. C'est ainsi que les populations voisines arrivèrent à fonder la ligue amphictyonique, corps délibérant, chargé de veiller aux intérêts communs et d'exercer une surveillance collective, partant plus efficace, sur le temple de Delphes, qui, vu la quantité de richesses et de pieuses offrandes déposées dans son enceinte, réclamait des gardiens plus attentifs et qui fussent revêtus en quelque sorte d'un caractère sacré. Les commencements de cette institution ne nous sont pas connus ; mais ce qui paraît ressortir des documents historiques subsistants, c'est qu'Acrisios est le premier auteur des règlements relatifs aux Amphictyons, le premier qui ait désigné les villes appelées à faire partie du conseil et à y exercer un droit de suffrage, les unes ayant voix entière tandis que les autres devaient voter avec une ou plusieurs associées, le premier aussi qui ait institué un tribunal amphictyonique pour juger, d'après certaines formes, toutes les querelles de ville à ville. Par la suite, beaucoup d'autres règlements vinrent s'ajouter à ceux-là. Les villes qui dans le principe la composaient étaient, dit-on, au nombre de douze ; chacune envoyait un pylagore la représenter dans l'assemblée, laquelle siégeait deux fois par an, au printemps et en automne. Avec le temps la ligue s'accrut de plusieurs autres cités. Cette assemblée s'appelait l'assemblée pylæenne parce que les pylagores se rendaient aux Pyles, ou, si l'on aime mieux, aux Thermopyles, et y célébraient un sacrifice en l'honneur de Déméter. Il n'y eut d'abord que les nations voisines de Delphes et prenant part à ces assemblées qui usèrent de l'oracle, mais avec le temps on vint de très loin le consulter. Crésus, certains peuples d'Italie et de Sicile envoyèrent à Delphes des députés chargés de précieuses offrandes et y fondèrent même des trésors.

Strabon