Dédale
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».
Sculpteur et architecte.
Dédale appartient à la famille des Érecthéides d'Athènes ; certaines sources lui attribuent une origine crétoise, probablement du fait que le personnage réside longtemps dans l'île. Il est le fils d'Alcippé et de Métion, d'où son appellation de « Métionide ». On le donne aussi pour fils d'Eupalamos, lequel, suivant d'autres versions, est le frère de Dédale.
Dédale est tout à la fois un forgeron, un architecte, un sculpteur, un inventeur de la plus grande ingéniosité, auquel les Grecs attribuent le développement de l'art architectural en Attique. La Crète lui doit également une bonne partie de sa réputation pour la fabrication des statues. Il en sculpte une à l'image d'Héraclès, ressemblante au point que le héros, l'apercevant de nuit, la prend pour un ennemi qu'il frappe. Il doit ses dons à Athéna. On dit qu'il invente l'art du portrait, que ses idoles sont si vivantes qu'il faut les enchaîner pour qu'elles ne s'enfuient pas. Mais, malgré cet esprit divin qu'elles dégagent, on ajoute qu'elles sont travaillées gauchement, et Dédale s'attire beaucoup de moqueries. Dédale creuse une caverne dans le territoire de Sélinonte où il utilise avec art et habileté les vapeurs des feux souterrains, de telle sorte que les malades qui y entrent se sentent envahis d'une douce chaleur et guérissent sur l'heure ; le mont Éryx est si escarpé que les maisons qu'on y construit, autour du temple d'Aphrodite, menacent à chaque instant de tomber dans le vide. Dédale augmente alors la largeur du sommet grâce à des terrasses soutenues par des murailles ; il consacre ensuite à la déesse un bélier d'or, merveilleusement ouvragé, qu'on prend pour un bélier véritable.
Le labyrinthe
Un jour, son neveu et apprenti, Perdix, prenant pour modèle l'arête centrale d'un poisson, cisèle dans le fer une suite de dents, inventant par là même la scie. Jaloux, Dédale précipite son neveu du haut de l'Acropole. Mais on le découvre pendant qu'il enterre le corps. Jugé par l'aréopage, Dédale est condamné à l'exil. Il se réfugie en Crète, auprès du roi Minos dont il s'attire les faveurs par le génie et l'astuce qu'il sait déployer, et par les statues qu'ils sculpte pour lui et ses filles. Désireux de se débarrasser du Minotaure, Minos charge Dédale du problème : ainsi est construit, non loin de Cnossos, le Labyrinthe, nouvelle demeure du monstre. De ce dernier, on peut dire que Dédale a favorisé son existence : il a construit une vache en bois à l'intérieur de laquelle Pasiphaé (femme de Minos), qui voulait s'accoupler avec un taureau, s'est cachée ; et de cette union est né le Minotaure. Les Égyptiens prétendent que Dédale s'est inspiré d'un labyrinthe existant déjà, un tombeau, construit par Mendès selon les uns, par Marrhos selon les autres, qui ont vécu très longtemps avant Minos. L'édifice se caractérise par une telle multiplicité de détours que, privé de guide, une fois entré il est impossible d'en sortir. Pour ajouter du crédit à leurs affirmations, ils ajoutent que les proportions des statues exécutées par Dédale sont les mêmes que celles, anciennes, d'Égypte. Dédale est l'auteur du porche d'entrée du sanctuaire d'Héphaïstos, à Memphis, si beau, si digne d'admiration que les Égyptiens sculptent de l'auteur une statue en bois et l'honorent comme un dieu.
La fuite envol
Mais, ayant favorisé les amours d'Ariane et de Thésée aux dépens de son roi, Dédale est-il lui-même reclus dans le Labyrinthe, avec son fils Icare qu'il a eu d'une esclave de Minos, Naucraté. Grâce à la complicité de Pasiphaé, qui a naguère été son amante, il réussit à en sortir. Toutefois Minos a bloqué les accès à la côte. La fuite par la voie de la mer lui étant refusée, il choisit de quitter le royaume par la voie des airs. C'est là en quelque sorte un défi, une occasion unique de montrer sa sagacité.
Il fabrique deux paires d'ailes, avec des plumes, du lin et de la cire, matériaux obtenus sous le prétexte de façonner un cadeau pour le roi. Avant de s'envoler, il prodigue quelques conseils à son fils, Icare, qui meurt de ne pas les avoir suivis. Dédale, après une halte en Sardaigne, parvient seul à Cumes. Il consacre ses ailes à Phébus Apollon (dont Cumes est la cité), érige un temple colossal en son honneur, puis se rend en Sicile. Là, il gagne l'amitié et l'estime du roi Cocalos, et se met à son service. Par son immense talent artistique et technique, il initie l'île à la civilisation. Quant à Minos, il lui en coûte la vie de demander à Cocalos de lui rendre le fugitif.
La fuite de Dédale, la mort d'Icare est sobrement racontée par Ovide. Minos s'est montré sourd aux supplications de Dédale qui demande la liberté, au moins pour son fils.
Variantes
I. Dédale gagne Athènes en bateau. Minos, qui s'est lancé à sa poursuite, est poussé sur les côtes de Sicile par une tempête, où il meurt. Désireux de venger son père, Deucalion somme les Athéniens de lui livrer Dédale en échange de la vie des enfants que son père retient prisonniers sur son île. Thésée, dont Dédale est l'un des parents, tente de gagner du temps. En secret, il fait préparer une flotte puis il met le cap sur la Crète. Quand les Crétois aperçoivent les navires, n'ayant été prévenus d'aucune volonté de guerre de personne, ils s'imaginent que ce sont là des vaisseaux pacifiques. Thésée engage le combat dans Cnossos et tue Deucalion. Après quoi, il traite avec Ariane, nouvelle reine, de laquelle il obtient la restitution des otages.
II. Le neveu de Dédale s'appelle Talos, ou Calos, Perdix étant la sœur de l'architecte.
Voir aussi : Labyrinthe
Dédale et Icare
Voilà, voilà, ô Dédale, se dit-il, le moment est venu de montrer ton ingéniosité. Minos est maître de la terre, il est maître des eaux : ni la terre, ni les eaux ne sont ouvertes à notre fuite. Reste la voie du ciel. C'est par le ciel que nous pourrons aller.
Ô Jupiter suprême, pardonne une telle entreprise ! Je n'aspire pas à violer la région des astres, mais il n'est aucune route, hors celle-ci, qui me permette de fuir mon maître. Le Styx m'offrirait-il un passage, nous franchirions à la nage les eaux du Styx. Mais je dois changer les lois de ma nature. Les malheurs, souvent, éveillent le génie. Qui eût jamais cru qu'un homme pût emprunter la voie des airs ?
Il dispose des plumes, régulièrement, – rames des oiseaux –, et unit son léger ouvrage avec des fils de lin. L'extrémité est consolidée par de la cire amollie au feu. Et déjà se terminait le travail de l'œuvre nouvelle. Tout joyeux, l'enfant manipulait la cire et les plumes, sans savoir que ce harnais était préparé pour ses épaules. Et son père lui dit : « C'est avec ces vaisseaux que nous devons regagner notre patrie, voilà notre moyen d'échapper à Minos. S'il a fermé toutes les autres issues, Minos n'a pas pu fermer celle de l'air. Fends cet air ! C'est possible, grâce à mon invention. [...] J'irai devant, je te montrerai la route ; ne te préoccupe que de me suivre ; moi ton guide, tu seras en sécurité. Si à travers les couches de l'Éther nous nous approchons du soleil, la cire ne pourra supporter sa chaleur. Si nous agitons nos ailes trop près de la mer, nos plumes, en battant, se tremperont des eaux marines. Vole entre les deux. Crains aussi les vents, mon fils : où leurs souffles te porteront, laisse tes ailes aller. »
Tout en le conseillant, il ajuste les ailes à son fils, et lui montre comme elles se meuvent [...]. Il adapte ensuite les siennes à ses propres épaules et, timidement, il élève son corps dans la nouvelle route. Déjà sur le point de prendre son envol, le père embrassa son jeune fils à plusieurs reprises, et des larmes coulèrent sur ses joues, qu'il ne put retenir.
Il y avait une colline, moins haute qu'une montagne, qui dominait l'étendue de la plaine : c'est de là que les corps s'élancèrent ensemble, dans leur fuite pitoyable.
Dédale remue ses ailes et se retourne pour regarder celles de son fils, en conservant toujours sa trajectoire. Déjà la route nouvelle les réjouit. Et Icare, toute crainte bannie, s'envole plus énergiquement sur sa machine audacieuse. [...] L'enfant, que son âge imprudent rendit téméraire, s'éleva plus haut et abandonna son père.
Les liens se distendent, et la cire, trop proche du dieu [Soleil], se liquéfie, et les bras qui s'agitent ne prennent plus le vent léger. Du haut des cieux, il regarde l'eau avec effroi : des ténèbres passent devant ses yeux, nées de sa terrible épouvante.
La cire avait fondu ! Il agite ses bras dépouillés, il s'affole. Il ne trouve aucun soutien. Il tombe, et, en tombant, il cria : « Père, ô mon père, je suis entraîné ! » Et tandis qu'il disait ces mots, les eaux vertes lui fermèrent la bouche.
Cependant, le père infortuné, qui n'est plus père, s'écrie : « Icare ! Icare ! Où es-tu ? Où, sous le ciel, voles-tu ? » Il criait « Icare », quand il aperçut les plumes sur les eaux.
La terre recouvre les os de l'enfant ; la mer a pris son nom.
Ovide