Bona Dea

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Très vieille divinité romaine, peut-être originaire de Grande-Grèce.

Appelée également Fauna, la « Bonne Déesse » passe pour être la sœur, peut-être l'épouse ou la fille de Faunus. Les Romains font d'elle une nymphe dryade ; les Phrygiens soutiennent qu'elle est la mère du roi Midas ; les Grecs, qu'elle est la mère de Dionysos et qu'il n'est pas permis de la nommer, quoiqu'on lui connaisse un nom : Gynaecéia. On l'a également confondue avec Magna Mater, Ops, Proserpine, Hécate, Sémélé. Une grotte du mont Aventin est consacrée à son culte.

Hercule, après avoir vaincu Cacus, a maille à partir avec les prêtresses du sanctuaire de la Bonne Déesse. Comme après son exploit il meurt de soif, il se dirige vers la fontaine autour de laquelle rient quelques jeunes filles. Après s'être présenté, il demande l'hospitalité et la permission de boire un peu d'eau. Mais une vieille femme paraît et le somme de s'éloigner sur-le-champ. Trop assoiffé, Héraclès plonge quand même ses lèvres dans l'eau fraîche et pure ; après quoi, il jure que le Grand Autel, qu'il a fait vœu d'élever au pied du Palatin, jamais ne sera ouvert à une femme. Les Romaines l'honorent chez elles en lui offrant toutes sortes de plantes et de fleurs, le myrte excepté. Soit parce qu'un jour elle a beaucoup bu en cachette et que, la surprenant, son mari Faunus la punit en la battant avec des baguettes de myrte ; soit parce que les Romaines désirent rester pures, éloignées des plaisirs de l'amour, et que le myrte est consacré à Aphrodite (Vénus).

La bonne déesse et la femme de César

Chaque année, dans la nuit du 3 au 4 du mois de décembre, on célèbre sa fête dans la maison d'un consul, et l'on y sacrifie une truie, dont le ventre est consacré à la déesse, et une libation de vin. À cela s'ajoutent des danses et des chants. Seules les femmes et les vestales y sont admises. Tout objet représentant les hommes est masqué ; plus tard, les hommes auront le droit de participer aux mystères, à la condition d'être déguisés en femmes. Les oracles de la divinité sont censés rendre les femmes fécondes. D'une manière générale, Bona Dea est la protectrice de la fertilité (des champs), de la grossesse et de la bonne santé. Juvénal ne s'est pas gêné pour dénoncer les débordements qui ont lieu lors des mystères de la Bonne Déesse. Hurlements de désirs, étreintes et coups de reins, envie de se faire monter, y compris, si les hommes manquent, même le plus vil esclave, par les ânes.

En décembre 62 av. J.-C., un scandale éclate lors de la célébration des mystères de la Bonne Déesse. Fils de Claudius Pulcher et de Caecilia Metella, Clodius, amoureux de Pompeia, la femme de César, cherche alors un moyen d'approcher l'élue de son cœur, qui célèbre les mystères dans la demeure de son époux. Or, comme ces cérémonies sont absolument interdites aux hommes, Clodius, imberbe, a l'idée de se déguiser en joueuse de flûte. À la faveur de la nuit, il se glisse dans la maison de César, mais s'y égare. Une suivante de Pompeia, nommée Habra, lui ayant demandé ce qu'« elle » cherche, Clodius se trahit, en répondant d'une voix virile. La femme crie, on cherche l'intrus, on le découvre honteusement caché dans une chambre. Il est chassé illico et un procès pour impiété lui est intenté. Le collège des pontifes demande au sénat de faire comparaître le profanateur devant un tribunal extraordinaire.

Cette affaire a un retentissement d'autant plus grand que Clodius brigue alors la questure. Cicéron, qui est appelé à témoigner, détruit l'alibi que Clodius s'est forgé. Dès lors, les deux hommes deviennent ennemis. Mais, grâce à César, qui a répudié Pompeia sans toutefois en vouloir à son rival, et à Crassus, Clodius est acquitté en 61.

Variante

Sous le règne d'Évandre, un certain Tricaranus, d'origine grecque, arrive dans le Latium. C'est un gigantesque berger, doté d'une grande force et d'un remarquable courage, qu'on appelle, précisément pour ces raisons, Hercule. Tandis que ses troupeaux paissent le long des rives du fleuve Albula, Cacus, un esclave d'Évandre, mauvais et rusé, dérobe quelques génisses et, pour ne laisser aucun indice, il les traîne dans une grotte en les tirant par la queue. S'étant aperçu du vol, Tricaranus parcourt les régions voisines et explore les cachettes possibles ; désespérant finalement de retrouver son bien, il s'apprête à quitter la région. Mais Évandre, ayant appris l'infortune de l'étranger, mène son enquête : il fait punir l'esclave coupable et restituer les génisses volées à Tricaranus. Tricaranus consacre alors, au pied de l'Aventin, un autel au Père Découvreur, lui donne le nom de Grand Autel, sur lequel il offre ensuite la dixième partie de son troupeau. Or, Carmenta, la mère d'Évandre, bien qu'invitée, ne se présente pas au sacrifice : Tricaranus décrète ainsi que toutes les femmes, sans exception, seront à l'avenir tenues éloignées de cette cérémonie religieuse.

Hercule et Bona Dea

Une soif brûlante a desséché son palais, et la terre ne présente à ses regards aucune source. Soudain il entend rire des jeunes filles dans l'enceinte éloignée d'un bois sacré. Un épais bocage entourait de son ombre des lieux consacrés à la Bonne Déesse, des sources et des mystères, dont l'accès, interdit aux hommes, aurait appelé sur le coupable une éclatante vengeance. Des bandelettes de pourpre couvraient le seuil écarté du temple ; un bois odoriférant éclairait l'antique lambris ; un peuplier dominait l'édifice de ses branches majestueuses, et de nombreux oiseaux, que protégeait son ombre, répétaient leurs chants harmonieux. C'est là qu'Hercule précipite ses pas, la barbe chargée d'une poussière aride, et le héros s'abaissa devant le temple à ces humbles prières :

« Jeunes filles, qui vous livrez dans cette enceinte à des jeux folâtres, ouvrez à l'homme épuisé de fatigue, qui réclame de vous l'hospitalité. Je cherche une source d'eau vive et je l'entends bruire auprès de vous : laissez-moi puiser avec la main de quoi apaiser la soif qui me consume. Avez-vous entendu dire qu'un seul homme a supporté le ciel ? C'est moi qui l'ai fait, et la terre alors m'a surnommé Alcide. Qui ignore les exploits d'Hercule, et sa massue pesante, et ses flèches, que les monstres n'évitèrent jamais, et l'heureuse audace qui le fit affronter le premier les eaux du Styx ? Cette terre lui refuserait-elle asile après tant de fatigues ? Accueillez-le, jeunes filles, quand même vous offririez un sacrifice à Junon : toute cruelle, toute marâtre qu'elle est, Junon ne m'interdirait point ces fontaines. Si mon front, si la dépouille du lion de Némée, si ma chevelure brûlée par le soleil d'Afrique vous épouvantent, je suis ce même Hercule qui, revêtu des habits d'une femme, ai tenu en esclave les fuseaux d'Omphale pendant des jours entiers ; un lin soyeux couvrait ma large poitrine, et ma robuste main se pliait aux travaux des jeunes filles. »

Ainsi parlait Hercule : mais une prêtresse, dont les cheveux blancs étaient relevés par une bandelette de pourpre, lui répondit en ces mots : « Éloigne, étranger, éloigne tes pas et tes regards de cette enceinte redoutable. Fuis, dérobe-toi au prix de ta témérité : car cet autel, ce temple écarté, sont interdits aux hommes sous les peines les plus sévères. Tirésias ne fut que trop puni pour avoir vu Minerve dépouiller son égide et se livrer au plaisir du bain. Puissent les dieux t'indiquer d'autres sources ! mais pour celle qui coule dans ces retraites solitaires, il n'est permis qu'aux femmes d'en approcher. »

Elle dit ; soudain Hercule ébranle de ses efforts la porte ombragée. Pressé par la soif et la colère, il brise un vain obstacle ; et quand il a éteint son ardeur dans l'onde qu'il épuise, ses lèvres encore humides laissent échapper l'arrêt vengeur. « Je traînais partout ma misère, dit-il, et ce coin du monde m'a accueilli, et cette enceinte m'a offert un asile après mille fatigues. Cet autel, je le consacre aux dieux pour avoir recouvré mes génisses ; mais si ma main ajoute à sa grandeur, je veux que désormais l'accès en soit interdit à toutes les femmes, et que cette défense me venge de leur refus. »

Properce