Énéide

L'Énéide.
L'Énéide.

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de mythologie grecque et romaine ».

Poème épique de Virgile en XII chants (livres).

Livre I

Les Troyens, quittant la Sicile, sont poussés par une violente tempête loin de l'Italie, où ils pensent accoster ; ces vents contraires, provoqués par Junon favorable aux Grecs, mènent Énée et ses compagnons en Libye. Vénus demande à Jupiter de protéger son fils Énée. Jupiter la rassure sur ses intentions : Énée soumettra les peuples les plus altiers dans une longue guerre. La ville de Lavinium s'élèvera et ses habitants vivront sous les institutions que leur aura données son fils. Énée régnera trois années au Latium ; puis lui succédera Ascagne. Ascagne renforcera Albe la Longue, siège de son pouvoir. Et pendant trois cents ans le pouvoir demeurera aux mains des Dardanides. Une jeune femme viendra ensuite, avec, en son ventre, deux jumeaux, enfants de Mars. L'un d'eux, Romulus, élèvera les murailles d'une cité et appellera ses habitants les Romains. Il sera à la tête d'un empire sans fin.

Accompagné de son fidèle compagnon, Achate, Énée arrive devant Carthage où règne Didon. Celle-ci promet de leur accorder l'hospitalité. Vénus suscite un amour mutuel dans leur cœurs. La reine offre un festin en l'honneur de son hôte auquel elle demande de conter ses aventures.

Livre II

En quittant Troie, les Grecs ont abandonné un gigantesque Cheval de bois, dans les flancs duquel sont dissimulés des guerriers ; le reste de l'armée, retiré sur l'île de Ténédos, n'attend que de donner l'assaut. Nul n'est au courant de la ruse. Les Troyens sont partagés entre la joie et le scepticisme : personne ne croit Laocoon (le pendant masculin de Cassandre aux prophéties de laquelle on n'accorde pas plus de crédit) qui exhorte ses compagnons à détruire l'effigie, d'autant que Sinon, un Grec qui se fait passer pour déserteur, assure les Troyens que ses compatriotes ont bel et bien renoncé à assiéger la citadelle, que ce cheval n'est autre qu'une offrande à la déesse Minerve dont les Grecs craignent des représailles pour l'avoir offensée.

Le prêtre Laocoon meurt, étouffé par deux serpents ; ses deux enfants subissent le même sort. Ce prodige achève de convaincre les Troyens que le prêtre est impie, et qu'à présent ils peuvent donner libre cours à leur joie. On fait entrer le Cheval dans la ville, on le place devant le temple de Minerve. Dans la nuit, l'armée grecque se rapproche de la citadelle, tandis que Sinon libère ses camarades enfermés dans le ventre du Cheval. Quelques instants plus tard, les sentinelles sont assassinées, les portes de la ville sont ouvertes, l'armée grecque pénètre dans Troie.

Énée est réveillé par le fantôme d'Hector, qui lui révèle que la cause est perdue : il faut fuir. Mais Énée songe, avec une poignée de compagnons, à résister, malgré l'ampleur du carnage : il les exhorte à combattre et à mourir.

Vaine tentative : les Grecs sont trop nombreux. Les Troyens, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, tombent autour d'eux par milliers dans un effroyable carnage. Aucun de ses compagnons (Corèbe, Rhipée, Dymas, Hypanys, Panthus) n'en réchappe. Priam est mort, tué par Pyrrhus, le fils d'Achille. Les femmes du palais sont prises comme esclaves. Vénus, qu'Énée a tout d'abord prise pour Hélène et qu'il a même songé à tuer, lui révèle que telle est la volonté divine : Troie sera détruite, il faut fuir. Énée persuade son père de le suivre.

Énée rassemble ses amis, sa famille, et tous quittent la ville en flammes. Mais Créüse, sa femme, disparaît soudain. Énée retourne sur ses pas. Créüse demeure introuvable. Son ombre lui apparaît bientôt ; elle lui révèle qu'Énée ne peut emmener son épouse parce que les dieux en ont décidé autrement ; elle lui apprend que de longs exils l'attendent. Énée, en pleurs, retourne auprès de ses amis auxquels se sont joints d'autres compagnons, hommes, femmes et enfants, tous décidés à le suivre où il voudra bien les conduire.

Livre III

Énée et ses compagnons construisent une flotte et, avec leurs dieux pénates, font voile vers la Thrace. Ils y découvrent la sépulture de Polydoros dont la voix, qui s'élève du royaume des Ombres, apprend à Énée la perfidie des Thraces qui l'ont assassiné, et que lui et ses compagnons courent un réel danger s'ils demeurent dans la région. Les Troyens gagnent alors Délos où l'oracle d'Apollon leur enjoint de retourner dans leur patrie. Anchise pense qu'il s'agit de la Crète. Cette île, n'est-elle pas celle de Jupiter ? N'est-ce pas de Crète que Teucer a mis à la voile pour aller fonder son royaume sur les rives de la Troade, alors qu'Ilion n'existait pas encore ?

La flotte troyenne fait donc route vers l'île. Énée dresse l'enceinte de la ville, qu'il nomme Pergamée. Mais, là encore, les dieux leur semblent hostiles : la peste s'abat sur eux. La nuit venue, Énée apprend des dieux que sa véritable patrie est celle de Dardanus : l'Italie. À cause d'une tempête, les Troyens font escale dans une île des Strophades où les Harpyes, insensibles aux fers de leurs armes, les attaquent. L'une d'elle, Célæno, somme Énée de quitter ce territoire où il n'a aucun droit.

Après une halte à Actium, la flotte remonte plus au nord ; elle arrive en Épire, dans la ville de Buthrote, en Chaonie. Hélénus, le frère jumeau de Cassandre, et son épouse Andromaque y ont fondé un royaume troyen. Hélénus prodigue force conseils à Énée, entre autres comment reconnaître l'endroit où il devra fonder sa ville, comment éviter les écueils de Charybde et Scylla ; il lui recommande de consulter la sibylle de Cumes, tandis qu'Andromaque se montre très attentive envers Ascagne qui lui rappelle son fils Astyanax.

La flotte troyenne lève l'ancre et, involontairement, aborde au pays des Cyclopes. Là, Énée recueille un compagnon d'Ulysse abandonné par les siens ; il le rassure sur son sort. Lorsque Polyphème paraît, les Troyens se hâtent de quitter l'île. Comme ils arrivent à Drépane, Anchise meurt d'épuisement. Lorsqu'ils reprennent la mer, une tempête les pousse vers les côtes africaines.

Énée suspend son récit.

Livre IV

Didon confie à sa sœur Anna son penchant pour Énée ; ne s'est-elle pas juré, après la mort de son premier époux, de ne plus jamais se remarier ? Sa sœur la réconforte, lui conseille d'écouter son cœur, d'autant qu'une union avec le vaillant Énée ne pourrait que profiter à Carthage. Vénus scelle l'amour entre Énée et Didon : au cours d'une partie de chasse, surpris par la tempête, ils se réfugient dans une grotte où ils donnent libre cours à leur passion.

Mais la Renommée révèle les amours de la reine. Le roi numide, Iarbas, qu'autrefois Didon a éconduit, en appelle à Jupiter. Celui-ci dépêche Mercure auprès d'Énée pour lui rappeler sa mission. Le Troyen sait qu'il ne peut demeurer plus longtemps à Carthage, mais le courage lui manque d'apprendre son départ prochain à la reine.

Néanmoins, celle-ci s'aperçoit des préparatifs de ses hôtes. Après avoir supplié son amant de ne pas la quitter, Didon le maudit, d'autant que jamais ses raisons de partir ne lui ont paru convaincantes. Elle lance de terribles imprécations contre lui.

Didon commande qu'un bûcher soit dressé afin de brûler tout souvenir du Troyen. Cependant Mercure ordonne à Énée de lever l'ancre au plus vite. Le lendemain, lorsque la reine n'aperçoit qu'une plage déserte, après avoir médité toute la nuit sur sa solitude, elle monte sur le bûcher et se donne la mort avec l'épée d'Énée. Junon, prise de pitié, envoie Iris pour délivrer l'âme de Didon.

Livre V

Les Troyens ont quitté l'Afrique. Devant la tempête qui s'annonce, Palinure, le fidèle pilote, conseille à Énée de relâcher en Sicile. Aceste accueille les Troyens. Des jeux funèbres sont donnés en l'honneur d'Anchise mort il y a une année.

Les femmes troyennes se désespèrent à l'idée qu'il faudra de nouveau prendre la mer. Junon, par la bouche d'Iris, les exhorte à brûler les vaisseaux. Bientôt la flotte s'embrase sous les torches. Énée supplie Jupiter de lui accorder son aide. Le dieu provoque une pluie torrentielle qui éteint les flammes.

Quatre navires sont toutefois détruits et Énée est découragé. Le fantôme de son père apparaît et le réconforte. Énée décide de continuer sa mission, autorisant ceux de ses compagnons, qui le désireraient, à rester dans le royaume d'Aceste.

Vénus intervient auprès de Neptune pour que les Troyens voguent sur une mer calme. Cependant, Palinure, le pilote, s'endort, tombe et disparaît dans les flots. Plein de chagrin, Énée prend la barre.

Livre VI

Les vaisseaux abordent à Cumes. Énée consulte la sibylle. Elle le prévient que, s'il atteindra le Latium, d'autres obstacles se dresseront sur sa route, notamment ceux provoqués par l'hostilité de Junon. Énée souhaite descendre aux Enfers afin d'y rencontrer son père. La sibylle lui répond qu'il lui faut auparavant se procurer le rameau d'or, clé des portes infernales du lac Averne.

Énée s'étant acquitté de la condition, la sibylle lui sert de guide. Ils parviennent jusqu'au Styx sur la rive duquel errent les morts sans sépulture. Palinure fait partie de ces ombres qui devront attendre un siècle avant de pouvoir passer de l'autre côté. La sibylle lui promet qu'il recevra les honneurs funèbres.

Charon refuse d'embarquer Énée – trop vivant. Mais il cède devant le rameau d'or. Cerbère manifeste sa colère. La sibylle l'apaise avec un gâteau. Ils rencontrent successivement les enfants morts prématurément, les guerriers tombés au combat, les suicidés. Didon manifeste son mépris envers Énée en refusant de lui parler.

Le chemin se dédouble : la voie de gauche mène au Tartare, séjour des coupables ; la voie de droite conduit vers les Champs Élysées, séjour des bienheureux. C'est cette dernière qu'empruntent Énée et la sibylle. Après avoir déposé le rameau d'or à la porte de Proserpine, Énée rencontre Orphée ; son élève, Musée, le mène à Anchise.

Anchise explique à son fils étonné le « fonctionnement » de l'Enfer. Puis il lui montre ceux qui feront la gloire de Rome, ses propres descendants : d'abord Silvius, le fils qu'il aura de Lavinia, né dans une forêt ; puis Procas, Capys, Numitor et Silvius Aeneas (Énée) qui fera revivre son nom. Ces hommes seront illustres : ils fonderont Nomentum, Gabies, Fidènes..., des cités promises à une grande gloire alors qu'aujourd'hui ce sont des terres anonymes. Enfin Romulus, fils d'Ilia, qui fondera Rome...

Énée et la sibylle reviennent au jour. Les Troyens continuent leur route.

Livre VII

Les Troyens arrivent au Latium ; ils débarquent sur les rives du Tibre. Le roi Latinus, auquel un songe a prédit une descendance de héros si sa fille Lavinia se marie avec un étranger, accueille Énée avec générosité et lui offre de devenir son gendre.

Cette alliance met Junon en colère : combien tous ses efforts pour détruire cette maudite race ont été vains ! Mais si les destins veulent qu'Énée règne sur les Latins, que Lavinia soit sa femme, au moins Junon peut-elle multiplier les embûches, faire tomber de nombreuses victimes, troyennes et rutules. Que les grands événements qui se préparent soient à ce prix !

Junon dépêche la Furie Alecto auprès d'Amata, mère de Lavinia, et auprès de Turnus, roi des Rutules, dont l'ambition est d'épouser la fille de Latinus et qui, en tant qu'indigène, a été récusé. Les objectifs semblent atteints : la mort d'un cerf royal, celle de deux guerriers du roi Latinus sèment le trouble, préparent à la guerre. Le roi Latinus pourtant, se montre hostile à combattre Énée. Junon décide alors de déclarer elle-même les hostilités.

Livre VIII

Les troupes se rassemblent. Tiberinus, le dieu du Tibre, confirme à Énée que ce pays est le sien et lui conseille de s'allier avec Évandre, roi arcadien de Pallantée et, par des sacrifices, d'apaiser le courroux de Junon. En route vers Pallantée, Énée découvre une truie blanche entourée de trente petits de même couleur ; face à ce signe bienveillant, annoncé par Hélénus puis par Tiberinus, Énée reprend courage. Le roi Évandre accueille le Troyen comme un ami et s'engage à lui fournir son aide.

Évandre promet à Énée le commandement de l'armée étrusque ; le Troyen, qui espérait un geste plus généreux, est déçu, quand un signe de sa mère l'encourage à rencontrer les Étrusques.

Évandre confie son fils Pallas à Énée. Vénus, préoccupée par les hostilités qui se préparent, offre à son fils des armes forgées par Vulcain et ses Cyclopes, dont un bouclier sur lequel sont inscrits les grands événements à venir.

Livre IX

Turnus, qui a été informé par Iris de l'absence d'Énée, attaque le camp des Troyens. Ces derniers, conformément aux ordres reçus par leur chef, retranchés derrière leurs lignes de défense, se contentent de résister. Turnus fait alors mettre le feu à leurs vaisseaux. Mais les navires, soudainement, se métamorphosent en nymphes marines et gagnent le large. Devant ce prodige, Turnus comprend qu'Énée est protégé par les dieux.

La nuit venue, deux jeunes Troyens, deux amis, Nisus et Euryale, décident de rejoindre Énée pour lui rendre compte de la situation ; il va donc falloir franchir les lignes ennemies. Ce projet, téméraire, trouve pourtant un écho favorable auprès de leurs compagnons, notamment auprès d'Ascagne qui promet aux deux audacieux de belles récompenses.

Les deux amis massacrent un grand nombre d'ennemis, qu'ils surprennent dans leur sommeil. Mais ils sont eux-mêmes cernés par une troupe de cavaliers et périssent sous le nombre. Après quoi, Turnus appelle ses hommes au combat. Au bout de deux piques, il fait fixer les têtes coupées d'Euryale et de Nisus, spectacle qui provoque chez les Troyens une grande consternation.

Les Rutules attaquent le camp troyen. La bataille fait rage. Ascagne se distingue. Turnus, pris au piège dans le camp, ne doit son salut qu'à un saut, du haut des remparts, dans le Tibre.

Livre X

Vénus implore Jupiter de porter secours à Énée ; Junon, furieuse, impute l'origine de la guerre aux Troyens. Jupiter répond que le sort des belligérants ne dépend pas des puissances divines. Le camp troyen est toujours cerné. Énée, qui s'est allié le concours de Tarchon, roi des Étrusques, et de bien d'autres chefs, remonte le Tibre avec trente navires. Turnus tente d'intercepter la flotte troyenne, mais Énée, protégé par le bouclier cerclé d'or de Vulcain, reste intouchable, tandis que Pallas abat un grand nombre d'adversaires. Turnus défie Pallas et le tue, ce qui accable Énée. Énée se campe devant Turnus, prêt à venger la mort de son ami. Mais Junon, par un prodige, éloigne le chef rutule, le sauvant ainsi. Énée affronte Mézence, allié des Rutules, et le blesse. Lausus se porte au secours de son père. Énée le tue, en éprouve aussitôt après quelque chagrin.

Énée retourne auprès de Mézence et l'achève.

Livre XI

Énée ramène le corps sans vie de Pallas à son père, Évandre. Celui-ci demande au Troyen de venger son fils. Les Latins réclament une trêve afin d'ensevelir leurs morts. Énée propose d'affronter Turnus, unique responsable, en combat singulier. Pourtant les guerriers troyens marchent vers le camp des Rutules. Turnus s'allie le concours des Volsques commandés par Camille, une vierge farouche, protégée de Diane. Les Volsques défendent l'accès de leur ville, tandis que les Rutules, emmenés par Turnus, se chargent de surprendre le reste des troupes troyennes dans les montagnes. Camille se bat avec courage mais, malgré la protection de Diane, une javeline l'atteint en pleine poitrine, lancée par Arruns ; Opis, dépêchée par Diane, fait périr le cavalier étrusque.

La mort de la jeune vierge désempare Rutules et Volsques : ils battent en retraite. Énée entre dans la ville quasiment en vainqueur.

Livre XII

Turnus n'a d'autre choix que d'affronter Énée en combat singulier. Latinus lui conseille de renoncer, de s'en remettre aux puissances des destins. De son côté, Junon, qui a prévu l'issue du combat, incite Juturne, la sœur de Turnus, à créer une diversion. Déguisée en guerrier, Juturne exhorte les Rutules. Les troupes s'affrontent à nouveau. Durant la bataille, Énée est blessé par une flèche, mais il guérit miraculeusement. Il cherche à atteindre Turnus, alors que Juturne, toujours sous l'apparence d'un guerrier, emmène son frère sur son char, loin d'Énée.

Amata, croyant que Turnus a péri, se pend. Le Rutule ne tarde pas à découvrir la véritable identité de Juturne. Il ordonne que les combats cessent et se prépare à affronter Énée.

Jupiter décide de ne pas intervenir ; Faunus, cependant, secourt Turnus ; Vénus fait de même avec Énée. Junon, connaissant le terme de la lutte, adresse une prière à son époux : que les Latins conservent à jamais leur nom. Troie n'est plus. Que le Latium vive, que règnent des rois albains, et que les Romains soient puissants ! Jupiter lui promet que ces souhaits seront exaucés et que le peuple à venir lui rendra des honneurs magnifiques.

Le Troyen est protégé par les armes de Vulcain. Il blesse Turnus à la jambe. Le roi des Rutules s'avoue vaincu. Prêt à l'épargner, Énée aperçoit sur ses épaules le baudrier de Pallas. Cette vision avive sa colère : le Troyen lui enfonce son épée dans la poitrine.

Énée épouse Lavinia, puis fonde une ville à laquelle il donne son nom : Lavinium. Quatre ans plus tard, le héros troyen disparaît dans un ouragan. On raconte que Vénus a rappelé son fils à elle, parmi les autres divinités, mais il repose toujours au bord du fleuve Numicius, et il était invoqué sous le nom de Jupiter Indigète.

Énée aborde dans le Latium

Mais une fois tes rites funèbres accomplis,

et ton tertre élevé, dès que s'apaisent les flots agités,

le pieux Énée largue ses voiles et quitte le port.

Les brises soufflent dans la nuit, et la lune blanche,

sans contrarier sa course, fait scintiller la mer sous sa tremblante lumière.

La flotte effleure les côtes toutes proches de la terre de Circé,

où la riche fille du Soleil emplit de son chant incessant

les bois inaccessibles ; dans sa fière demeure,

elle brûle du cèdre odorant, pour éclairer la nuit,

et sur de fines toiles fait courir un peigne sonore.

De là-bas s'élevaient les gémissements furieux des lions

qui refusaient leurs chaînes et rugissaient dans la nuit ;

les sangliers couverts de soies et les ours dans leurs enclos

se démenaient avec rage, et des loups hurlaient, silhouettes de géants.

Les herbes puissantes de Circé, la cruelle déesse, leur avaient ôté

leur figure d'hommes, les revêtant d'une face et d'un corps de bêtes.

Pour éviter aux pieux Troyens entraînés vers ces ports

d'approcher ces côtes sinistres, et de subir de telles atrocités,

Neptune souffla dans leurs voiles des vents favorables,

et les emportant loin de ces fonds bouillonnants, favorisa leur fuite.

Et déjà la mer s'empourprait sous les rayons, et du haut de l'éther,

l'Aurore couleur de feu brillait sur son char vermeil,

quand soudain les vents se posèrent et tout souffle s'arrêta ;

les rames luttaient sur le marbre paresseux de la mer.

Alors du large, Énée aperçoit un bois immense.

Au milieu de ce bois, Tiberinus, un fleuve charmant,

aux tourbillons rapides et aux flots jaunis par le sable qu'il charrie,

se déverse dans la mer. Tout autour et par-dessus,

des oiseaux de toutes sortes, familiers de ses rives,

charment l'éther de leur chant et survolent le bois.

Énée ordonne à ses compagnons de virer, de diriger les proues vers la terre,

et, tout heureux, il s'enfonce dans l'estuaire ombragé.

Virgile