mélodrame

(étymol. : « drame chanté »)

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Si l'on s'en tient à l'étymologie, l'expression melodramma per musica, qui qualifia les premiers opéras italiens jusqu'à Monteverdi, relève du pléonasme. Il est d'autant plus paradoxal que le mot « mélodrame » ait désigné par la suite une forme de spectacle d'où le chant est exclu : plus précisément un ouvrage unissant un texte déclamé à un accompagnement musical.Si le premier mélodrame, proprement dit, fut le Pygmalion de Jean-jacques Rousseau, joué en 1770, l'idée d'associer la symphonie à la déclamation parlée n'était pas nouvelle. La tragédie antique était accompagnée de musique, de même que les « mistères » du Moyen Âge, la commedia dell'arte, les comédies-ballets de Molière et certaines tragédies classiques comme Esther et Athalie de Racine, sans compter les scènes parlées introduites dans des genres lyriques tels que la pastorale, la mascarade et le ballet de cour. Cette dernière tradition a été longtemps perpétuée en France par l'opéra-comique et en Allemagne par le Singspiel, dont l'Enlèvement au sérail et la Flûte enchantée de Mozart, ainsi que le Freischütz de Weber sont les exemples les plus connus.Quant au mélodrame ­ l'« opéra sans chanteurs » ou presque ­, son grand maître au xviiie siècle fut J. A. Benda, avec Médée (1775) et Ariadne auf Naxos (1775). Citons à ses côtés le melologo de l'Espagnol Iriarte intitulé Guzman el Bueno (1791). Relèvent plus ou moins du mélodrame le Pierrot lunaire de Giraud et Schönberg (1912), l'Histoire du soldat de Ramuz et Stravinski (1918) et Jeanne au bûcher de Claudel et Honegger (1935). Contiennent aussi des passages en mélodrame Zaïde de Mozart (1779), Egmont de Beethoven (1811) et Manfred de Schumann (1847). La Nymphe des bois de Sibelius (1894-1895) existe à la fois sous forme de poème symphonique (opus 15) et de mélodrame.

On peut également rattacher au genre « mélodrame » des drames ou comédies enrichis de ce qu'on appelle, improprement, une « musique de scène ». C'est le cas notamment du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare et Mendelssohn (1843), de l'Arlésienne de Daudet et Bizet (1872), de Peer Gynt d'Ibsen et Grieg (1875), des Érinnyes de Leconte de Lisle et Massenet (1873), ou encore du Pelléas et Mélisande de Maeterlinck et Gabriel Fauré (1898).

On appelle enfin mélodrame, dans certaines partitions d'opéra ou d'opéra-comique, une sorte d'intermède orchestral pendant lequel les chanteurs se taisent.

Il en existe plusieurs exemples dans l'œuvre de Massenet. Et nous ne citerons que pour mémoire, car elle est sans rapport avec la musique, l'acception la plus répandue du mot « mélodrame » : drame populaire, dont les personnages conventionnels et les péripéties rocambolesques s'adressent à la sensibilité la plus élémentaire du public. Malgré l'hommage célèbre d'Alfred de Musset ­ « Vive le mélodrame où Margot a pleuré ! » ­ ce genre, qui fit fureur à l'époque romantique, n'est plus guère pris au sérieux, ainsi qu'en témoigne le diminutif « mélo », nettement péjoratif.