livret
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Ouvrage littéraire, en vers ou en prose, destiné à être mis en musique en vue de la composition d'un opéra, d'un opéra bouffe, d'un opéra-comique, d'une opérette ou d'un ballet.
Issu du madrigal et du ballet de cour, qui se contentaient d'illustrer des poèmes plus ou moins disparates en des scènes plus ou moins décousues, l'opéra dut faire appel à de véritables livrets quand il entreprit, dans l'Italie des alentours de l'an 1600, de traiter de façon cohérente des sujets mythologiques ou historiques précis. En France, les premiers livrets de cette sorte sont ceux que Philippe Quinault (1635-1688) fournit à Lully. D'une qualité littéraire certaine, que favorisait d'ailleurs le style noble du compositeur, ils seront pendant plus d'un siècle non seulement imités, mais souvent réutilisés par d'autres musiciens. Le même phénomène se reproduisit au xviiie siècle avec Zeno et surtout Métastase, dont certains livrets d'opera seria furent mis en musique plusieurs dizaines de fois. Vers 1760, en France, un genre nouveau prend naissance et prospère : l'opéra-comique, où s'illustrent des librettistes tels que Favart, Marmontel, Sedaine, qui ne manqueront pas de successeurs au xixe siècle. Le « grand opéra », pour sa part, va être sauvé par la révolution romantique, dont les aspirations n'ont pas grand-chose de commun avec l'idéal classique. Les musiciens, comme les autres artistes, en ont assez des Grecs et des Romains. Ils réclament de l'action, voire de la violence, des héros tout d'une pièce et des situations bien tranchées. Si les librettistes manquent d'imaginaton, ils n'ont qu'à puiser dans la littérature. S'ouvre alors l'ère des « adaptations » lyriques de pièces ou de romans célèbres, dont le seul titre attire les foules. Scribe, Barbier, Saint-Georges en France, Cammarano, Piave, Somma, Boito, Giacosa et Illica en Italie pillent sans vergogne Shakespeare, Walter Scott, Schiller, Goethe, Victor Hugo, Dumas fils et Victorien Sardou au profit de Donizetti, Verdi, Gounod, Puccini et autres grands fournisseurs du théâtre lyrique. Certains contemporains, Hugo par exemple, ont le mauvais goût de s'en plaindre alors qu'il s'agit d'une consécration. Qui parlerait encore du Roi s'amuse s'il n'y avait pas Rigoletto ? Et puis, l'exemple venait de loin, et de haut. Mozart n'avait-il pas emprunté Don Giovanni en partie à Molière et Le Nozze di Figaro à Beaumarchais par l'intermédiaire du subtil Lozenzo Da Ponte ?
L'usage s'est longtemps conservé, en matière de théâtre lyrique, de citer le ou les librettistes avant le compositeur. On disait par exemple : « Faust, opéra en 5 actes de Jules Barbier et Michel Carré, musique de Charles Gounod ». Cela paraît ridicule, mais ce n'est pas tout à fait injuste. Aucun opéra, à plus forte raison un opéra bouffe ou une opérette, ne peut réussir sans un bon livret. Et ce n'est pas à la lecture qu'on peut juger s'il est bon ou mauvais. Les conventions du genre étant ce qu'elles sont, il vaut mieux chanter des niaiseries qui sonnent bien qu'un beau texte inchantable… qu'on ne comprendrait pas davantage. Le librettiste doit écrire, d'accord avec le compositeur, en fonction du succès de la représentation. Ce n'est pas seulement un métier, mais un art véritable, qui exige quelques sacrifices. On sait ce que doivent Offenbach à Meilhac et Halévy, Verdi à Boito, Puccini à Giacosa et Illica, Richard Strauss à Hugo von Hofmannsthal, dont le Rosenkavalier est sans doute le seul livret d'opéra qui puisse se passer de musique, en d'autres termes être donné comme pièce de théâtre. Une autre exception qui confirme la règle est celle de Pelléas et Mélisande, que Debussy a réussi contre Maeterlinck…
Quelques compositeurs, à la suite de Wagner, ont écrit leurs propres livrets.