Vincent d'Indy
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Compositeur français (Paris 1851 – id. 1931).
Issu d'une famille originaire du Vivarais et fort attachée aux traditions, le jeune Vincent est d'abord formé par sa grand-mère, musicienne exigeante et distinguée, avant d'être confié, à onze ans, à Diemer et à Marmontel. Le piano et le solfège ne l'empêchent pas de se tourner vers la littérature, dont il découvre peu à peu tous les classiques. En 1863, Lavignac lui enseigne l'harmonie. En 1864, c'est son premier contact avec les Cévennes, qui lui feront une telle impression qu'il ira, sa vie durant, chercher au moins une fois l'an le souvenir de cette émotion. En 1867, d'Indy aborde l'orchestration. Après le baccalauréat, il voyage en Italie, puis en Allemagne (1870). Dès 1871, il participe avec Franck, Duparc et Bussine à la fondation de la Société nationale de musique, la fameuse S. N. M., tout en s'adonnant activement à la composition (ainsi voient le jour des Romances, la Symphonie italienne) et tout en commençant à diriger en province, à suivre la classe d'orgue du Conservatoire et les cours de fugue professés par Franck.
À partir de 1873 il a tout juste vingt-deux ans , il produit beaucoup et dans tous les domaines, chantant tout à tour l'Allemagne (Wallenstein, 1873), la Hongrie (Jean Hunyade, 1874-75), l'Antiquité (Antoine et Cléopâtre, 1876). De cette époque féconde datent la Chevauchée du Cid (1876-1879), l'opéra-comique Attendez-moi sous l'orme (création, Paris, 1882) ainsi que la Forêt enchantée (1878), inspirée de Uhland.
Dès 1884, d'Indy accorde une grande attention à l'art populaire et se met à constituer un « herbier » de chansons vivaraises, qu'il utilisera notamment dans sa célèbre Symphonie cévenole (1886), dans Jour d'été à la montagne et dans de nombreuses mélodies, transcrites ultérieurement pour chant et piano ou chœurs a capella. En 1890, il devient président de la S. N. M., puis membre d'une commission pour la réforme du Conservatoire. Quatre ans plus tard, les bases de la Schola cantorum sont jetées, et, à partir de 1896, d'Indy y professe généreusement, sans que cela crée une entrave à ses activités parallèles d'inspecteur de l'Enseignement musical de la Ville de Paris ou de compositeur. Travailleur infatigable, il se dépense en effet sans compter, guidant de nombreux disciples, multipliant dans tous les genres des œuvres de haute valeur : l'opéra Fervaal (1889-1893, créé à Bruxelles en 1897), le Second Quatuor à cordes (1897) et la Deuxième Symphonie (1902), l'Étranger (1898-1901, créé à Bruxelles en 1903), la Sonate pour violon et piano (1903-1904), Jour d'été à la montagne (1905), etc.
Par ailleurs, ces activités multiples ne l'empêchent ni d'écrire des ouvrages didactiques (Cours de composition musicale, 1903-1909, 1933, 1950), ni de faire entendre certaines grandes œuvres du passé, qu'il ressuscite (l'Orfeo de Monteverdi, par exemple), ni de porter un regard pénétrant sur certains compositeurs qu'il aime : en témoignent ses livres sur Franck (1906), Beethoven (1911) ou Wagner (1930). Après 1914, sa carrière de musicien s'oriente surtout vers la musique de chambre, à laquelle il apporte la concision et la poésie de l'âge mûr (Quintette, 1924, et Sonate pour violoncelle et piano, 1924-25 ; Suite pour flûte, trio à cordes et harpe, 1927 ; Sextuor, 1927 ; Quatuor no 3 et Trio, 1928-29 ; Fantaisie sur un vieil air de ronde française pour piano, 1930).
On a souvent médit de l'art de d'Indy, s'en prenant à son admiration pour Franck et Wagner, à son catholicisme intransigeant, parfois même à ses idées politiques ou à sa particule. En fait, même si l'écriture est stricte et la langue parfois complexe (héritage du leitmotiv), l'orchestration est souvent rutilante (Istar) et la pensée toujours très noble (l'Étranger, Fervaal, Wallenstein). Certes, l'inspiration est essentiellement germanique, et les maîtres de d'Indy s'appellent Bach, Beethoven, Schumann et plus encore Wagner et Franck.
Mais d'Indy regarde aussi vers les vieux maîtres français (Rameau, Destouches, qu'il réédite) ou italiens (recréant l'Orfeo). Il occupe ainsi une place à part, et assez paradoxale, dans l'histoire de la musique française à la fois par sa production, qui se situe en dehors du grand renouveau apporté par Fauré, Debussy, Ravel, à qui il voue amitié ou admiration, par son action de chef d'orchestre, qui lui fait ressusciter maints chefs-d'œuvre du passé, et par son enseignement, puisque, au Conservatoire ou à la Schola cantorum, il formera des élèves de tempéraments aussi divers que Séverac, Roussel, Satie, Le Flem, Honegger, Auric, etc.