Joseph Szigeti

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Violoniste américain, d'origine hongroise (Budapest 1892 – Lucerne 1973).

Son père et son oncle lui donnent ses premières leçons de violon, et Jenö Hubay complète sa formation, à l'académie Franz-Liszt de Budapest (1903-1905). À peine âgé de dix ans, il joue en public et donne, trois ans plus tard, son premier véritable concert. Puis il se produit à Dresde et travaille pour les théâtres de Francfort et de Würzburg. En 1906, négligeant les offres d'enseignement de Joachim, qui lui prédit un grand avenir, il choisit de vivre à Londres (jusqu'en 1913), où il joue sous la direction de Beecham, accompagne Nellie Melba, Myra Hess, Wilhelm Backhaus, Ernst von Lengyel, et interprète le Concerto de Busoni sous la direction de l'auteur. En 1909, Szigeti crée la première œuvre composée à son intention, le Concerto de Hamilton Harty.

Les années de guerre correspondent à une période de réflexion et de travail en profondeur, prolongée par les cours qu'il donne au conservatoire de Genève, de 1917 à 1924, avant de reprendre une carrière vouée de plus en plus à la musique de son temps. Il est ainsi le premier à jouer le Concerto no 1 de Prokofiev en U. R. S. S. (en 1924, lors de la première de 11 tournées, de 1924 à 1929) et à interpréter les œuvres de ses amis, Stravinski, Bloch, F. Martin, Bartók, Busoni, lors de ses visites aux États-Unis (il y débute en 1925 avec l'Orchestre de Philadelphie), en Extrême-Orient, en Australie, etc. Il retrouve aux États-Unis, où il s'installe à partir de 1940, Bartók, avec qui il joue en duo (notamment à la Library of Congress de Washington en 1940), et dont il crée, avec le commanditaire, Benny Goodman, les Contrastes. Vivant en Suisse à partir de 1960, il se retire peu à peu de la carrière (ses derniers récitals en Californie en 1962 sont voués à Bach), se consacrant à la rédaction de livres sur son art et participant comme juré aux grands concours internationaux.

Créateur de la Première Rhapsodie et des Contrastes de Bartók, de la Sonate de Rawsthorne, de la Nuit exotique de Bloch, de la Mélodie sans paroles op. 35 bis no 5 de Prokofiev, des Concertos de Casella, Harty et F. Martin et de la Sonate en « sol » d'Ysaye, toutes œuvres qui lui sont dédiées, il a également interprété et enregistré des pages de Berg, Milhaud, Ravel, Stravinski, Cowell, Dohnanyi, Hindemith, Ives, et fait redécouvrir des pièces de Tartini et la Rêverie, romance et caprice de Berlioz. Évoluant d'une virtuosité insolente à la sobriété d'une conception privilégiant justesse et puissance expressive, au détriment parfois de la beauté même du timbre, Szigeti a su concilier une technique héritée du xixe siècle (particulièrement sensible dans la tenue de l'archet, coude au corps) avec l'esprit nouveau-né de la littérature pour violon du xxe siècle.