Jean-Jacques Rousseau
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Écrivain et compositeur genevois (Genève 1712 – Ermenonville 1778).
Après une formation essentiellement autodidacte, Rousseau manifesta rapidement son intérêt pour la musique par des fragments d'opéras, écrits à Chambéry, puis à Lyon, entre 1739 et 1742. Sa première publication d'ordre musical est un essai de réforme de la notation (Projet concernant de nouveaux signes pour la musique, 1742), défendu l'année suivante par une Dissertation sur la musique moderne. Cette tentative fut accueillie par un scepticisme général, et situa d'emblée Rousseau sur le plan d'une polémique agressive avec ses contemporains. Mais l'expérience déterminante dans la formation de son goût musical fut sans doute la familiarité avec l'opéra italien qu'il acquit en 1743-44 comme secrétaire de l'ambassadeur de France à Venise. De retour à Paris, Rousseau termina les Muses galantes, un opéra-ballet commencé en 1743 ; l'œuvre attira des commentaires peu amènes de Rameau et ne dépassa jamais le stade d'une représentation privée. C'est avec un « intermède », le Devin du village, représenté à Fontainebleau en 1752, que Rousseau connut enfin le succès comme librettiste-compositeur.
Il s'engagea ensuite vigoureusement dans la querelle des Bouffons, parmi les tenants de la musique italienne ; sa Lettre sur la musique française en constitua le pôle extrême, avec la thèse selon laquelle « notre langue (est) peu propre à la poésie, et point du tout à la musique ». Rousseau tira les conséquences de cette assertion dans une « scène lyrique », Pygmalion (1770), où « les paroles et la musique, au lieu de marcher ensemble, se font entendre successivement ». On peut y voir le point de départ du « mélodrame », genre dramatique hybride qui fleurit en Allemagne dans les années 1770. Il ne reste que des esquisses et des fragments d'une dernière pastorale, Daphnis et Chloé.
Rousseau représente le cas extrême d'un compositeur dont l'influence fut sans commune mesure avec la qualité propre de sa musique. Le Devin du village est d'une écriture fruste, mais concrétise de manière achevée l'aspiration de ses contemporains à un art dépouillé, prêchant les vertus de la morale naturelle. Musicalement, le Devin du village se situe à l'origine de la « comédie mêlée d'ariettes », bien que son principe d'une musique continue soit resté quasi sans descendance.
Quant aux écrits de Rousseau, ils restent l'un des plus précieux témoignages sur la conception que le xviiie siècle se faisait de la musique. Les articles qu'il rédigea pour l'Encyclopédie, réunis en un Dictionnaire de musique (1768), sont une mine de renseignements, où se rejoignent les diverses expériences de leur auteur, comme écrivain, comme compositeur et même, plus modestement, comme copiste.