François Bayle
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».
Compositeur français (Tamatave, Madagascar, 1932).
Abandonnant une carrière d'enseignant pour compléter une formation musicale d'autodidacte à Darmstadt et auprès d'Olivier Messiaen et de Pierre Schaeffer, il est l'un des premiers membres du Groupe de recherches musicales de l'O. R. T. F., en 1958, avant d'en devenir, en 1966, après Pierre Schaeffer, le véritable responsable. Le G. R. M., en effet, doit beaucoup à son inlassable activité d'animateur, de programmateur, de semeur d'idées et d'initiatives. Dans la personnalité très riche de ce créateur, le penseur et le théoricien tiennent une place importante, apparente jusque dans le titre de certaines œuvres. Celles-ci se nourrissent souvent des suggestions nées d'une fréquentation assidue des courants d'idées modernes (philosophie bachelardienne de la connaissance, théorie des arts plastiques chez Paul Klee, mathématiques de René Thom), assimilées et transposées par lui dans le domaine musical avec plus d'intuition que de méthode. Sa musique ne s'aventure jamais dans le rêve sans auteurs de chevet : ceux que nous avons cités, mais aussi Bataille, Lewis Carroll, les surréalistes. François Bayle se propose, armé de ces références, d'explorer par ses œuvres la « genèse des formes et des mouvements sonores, la grammaire de leur formation, leur relation avec les événements du monde plastique ou psychique ». En témoigne une somme comme l'Expérience acoustique (1969-1972), œuvre géante en 5 volets et 14 mouvements, qui est un des chefs-d'œuvre de la musique électroacoustique par la cohérence et l'unité de sa conception et la puissance et la diversité de son inspiration : une de ces « utopies de sons » que seuls, jusqu'ici, Pierre Henry et Stockhausen avaient su créer pour les haut-parleurs. Aussi maîtrisée, mais plus intime, est la suite en 17 mouvements Jeïta (1969-70), inspirée par une grotte du Liban, dont la première partie atteint une perfection, une concentration et une poésie dignes du plus grand Ravel. Remontant dans le temps, on peut saluer avec les Espaces inhabitables (1967), inspirés de Bataille et de Jules Verne, la première cristallisation musicale des préoccupations théoriques qui devaient l'amener à cataloguer et à manier de plus en plus systématiquement les processus sonores repérés par lui comme appartenant en propre à la musique des haut-parleurs. Ce qui n'empêche pas ces œuvres d'être foisonnantes d'images et de poésie et très séduisantes de couleurs. Mais les Vibrations composées (1973) et Grande Polyphonie (1974) semblent porter à la limite du dessèchement leur assurance de style, dans leur maîtrise un peu tendue, ce qui n'est pas le cas de Camera Obscura (1976), œuvre-labyrinthe, ou d'Érosphère (1980), merveilleuse tapisserie musicale intégrant une œuvre antérieure, Tremblement de terre très doux (1978), et renouant avec la poésie miroitante et scintillante de Jeïta. Dans cet itinéraire, une œuvre à part met à jour plus explicitement le monde symbolique de François Bayle : c'est le Purgatoire (1972), d'après la Divine Comédie de Dante, second volet d'un triptyque commandé par le chorégraphe Vittorio Biagi, dont Bernard Parmegiani signait l'Enfer, et les deux compositeurs, le Paradis (1974). Interprétant librement le texte de Dante, lu par Michel Hermon, l'auteur en dégage le sens initiatique, invente, pour le placer au centre de son labyrinthe, le personnage de l'Ange-Feu, séducteur dangereux incarné par des flammèches et des pétillements sonores caractéristiques de Bayle, et conclut sur une très belle exaltation mystique de la résonance musicale pure, dont l'aimée Béatrice est le symbole.
En 1983 ont été créés les Couleurs de la nuit pour bande et ordinateur (1982) et Son vitesse-lumière, version intégrale en 5 sections (1980-1983), et en 1990 Fabulae.