Alfred Cortot

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».

Pianiste, chef d'orchestre et pédagogue français (Nyon, Suisse, 1877 – Lausanne 1962).

Né d'un père français et d'une mère suisse, il commença l'étude du piano avec ses sœurs, et eut l'occasion d'entendre jouer Clara Schumann. Il entra au Conservatoire de Paris dans les classes d'Émile Decombes (qui avait reçu les conseils de Chopin) et de Louis Diémer pour le piano, de Raoul Pugno et de Xavier Leroux pour l'écriture. Il obtint son premier prix de piano en 1896. Fervent wagnérien, il fut chef de chant à Bayreuth et, dans le cadre d'une Société des festivals lyriques qu'il avait fondée, dirigea en 1902 à Paris, en première audition, Tristan et Isolde et le Crépuscule des dieux. L'échec financier de ces exécutions l'obligea à reprendre ses activités de pianiste, mais non à renoncer à la direction d'orchestre et à l'organisation de concerts : il fonda en 1903 l'Association des concerts Cortot et y donna les premières auditions à Paris de la Missa solemnis de Beethoven, de Parsifal de Wagner, de la Légende de sainte Élisabeth, du Requiem allemand de Brahms, de mélodies de Moussorgski, mais aussi d'œuvres de D'Indy, Chausson, Lekeu, Magnard, Roussel, Ladmirault, etc. En 1905, il forma avec le violoniste Jacques Thibaud et le violoncelliste Pablo Casals un trio demeuré fameux ; il joua aussi beaucoup en duo avec Casals et plus encore avec Thibaud. De 1907 à 1917, il fut professeur de piano au Conservatoire de Paris. En 1918, il fonda, avec A. Mangeot, l'École normale de musique, en demeura longtemps le directeur et y donna des cours d'interprétation réputés où il eut notamment pour disciples Dinu Lipatti, Clara Haskil, Magda Tagliaferro, Yvonne Lefébure, Vlado Perlemuter et Samson François. Il donna son dernier concert à Prades en 1958, avec Pablo Casals.

Ce grand ambassadeur de l'art français a mérité plus qu'aucun autre d'être appelé un « poète du piano ». Ses interprétations, servies par un toucher admirable, par une sonorité très particulière, liquide, profonde, sans dureté même dans la plus grande force, étaient le reflet d'un véritable univers spirituel, d'une ample vision d'humaniste, le fruit d'une profonde réflexion parcourue d'intuitions qui donnaient à son phrasé un tour très personnel. Son répertoire était vaste, mais son jeu s'accordait particulièrement à la musique de Chopin, Schumann, Liszt et Debussy. Sa pédagogie s'orientait beaucoup plus vers une compréhension profonde des œuvres que vers la technique pure ou vers des recettes d'exécution. Elle rattachait sans cesse une analyse précise à un vaste contexte esthétique. On en trouve l'image dans le Cours d'interprétation recueilli par Jeanne Thieffry (2 vol., Paris, 1934), mais aussi dans des ouvrages écrits par Cortot lui-même d'une plume brillante : la Musique française de piano (3 vol., Paris, 1930-1932), Aspects de Chopin (Paris, 1949). Cortot a également laissé des éditions de travail d'œuvres de Chopin, Schumann, Franck, etc.