douleur

Douleur
Douleur

Cet article est extrait de l'ouvrage « Larousse Médical ».

Sensation pénible se manifestant sous différentes formes (brûlure, piqûre, crampe, pesanteur, étirement, etc.) d'intensité et d'extension variables.

La douleur est associée à des lésions tissulaires, réelles ou potentielles, ou décrite comme si ces lésions existaient. La diversité de la douleur et le fait qu'elle soit toujours subjective expliquent qu'il soit difficile d'en proposer une définition satisfaisante. Cette notion recouvre en effet une multitude d'expériences distinctes, qui varient selon divers critères sensoriels et affectifs. Certains sujets décrivent une douleur en l'absence de toute cause physiologique probable ; cependant, il est impossible de distinguer leur expérience de celle qui est causée par une lésion réelle.

La compréhension des mécanismes de la douleur et leur classification demeurent également difficiles à appréhender. Une sensation douloureuse a pour premier objet de protéger l'organisme ; elle ne s'insère donc pas dans le domaine des sensations dites physiologiques, car souffrir ne peut être considéré comme un état normal. De plus, cette sensation d'alarme contre une agression extérieure ou intérieure peut, dans un second temps, si elle n'est pas soulagée, se retourner contre l'organisme lui-même, l'affaiblissant au lieu de le servir. Une douleur intense peut accaparer l'univers émotionnel et asservir le système nerveux, le rendant incapable d'accomplir une autre activité. Enfin, l'appréciation de l'intensité d'une douleur est éminemment variable ; elle dépend de la structure émotionnelle du sujet qui souffre, ce qui rend illusoire toute tentative d'étalonnage entre intensité du stimulus douloureux et souffrance.

La douleur, du fait de son intensité ou de sa persistance, est pour tout individu un phénomène extrêmement agressif et destructeur. Or, celle-ci peut être soulagée ou, du moins, atténuée dans la plupart des cas. Aujourd'hui, il existe une véritable prise de conscience de la nécessité de mieux combattre la douleur en utilisant tous les moyens disponibles.

Mécanisme

La douleur est due le plus souvent à l'excitation de récepteurs communément appelés nocicepteurs (terminaisons nerveuses sensibles aux stimulations douloureuses), siégeant essentiellement dans la peau et, dans une moindre mesure, dans les vaisseaux, les muqueuses, les os et les tendons. Les organes internes en contiennent peu.

Lorsqu'un récepteur de la douleur est stimulé, les influx nerveux véhiculant le message cheminent dans les nerfs sensitifs vers la moelle épinière ; là, l'information douloureuse est soumise à un certain nombre de contrôles, en particulier inhibiteurs ; puis l'information est transmise vers le thalamus, où la sensation de douleur est perçue. Les nocicepteurs véhiculent deux types d'information, responsables de deux types de douleur : le premier type de douleur, bien localisé et immédiat, dû à une fracture par exemple, est véhiculé par de grosses fibres sensitives myélinisées ; le second type, une brûlure par exemple, plus diffus et plus tardif, est véhiculé par des fibres amyéliniques. Lorsque cela est possible, le cerveau envoie une réponse à un nerf moteur qui commande la contraction d'un muscle permettant l'éloignement de la source douloureuse.

Différentes formes de douleur

Une douleur se définit selon son site, son type, diffus ou localisé, son intensité, sa périodicité et son caractère : elle peut être pulsatile, battante, lancinante (les élancements sont caractéristiques d'une inflammation), en éclair (atteinte nerveuse), avoir une nature de crampe (atteinte musculaire) ou de colique (atteinte viscérale), etc. Dans certains cas, la douleur est ressentie dans un endroit du corps différent de la zone lésée ou traumatisée ; on parle alors de douleur irradiée. Un autre type de douleur, l'algohallucinose, est rapporté à un membre fantôme ; il est ressenti par environ 65 % des amputés. La durée d'évolution d'une douleur est une donnée particulièrement importante, qui influence la prise en charge du malade. Une douleur chronique, présente au-delà de 3 ou 6 mois, ne peut être appréhendée simplement comme une douleur aiguë (durant moins de 3 mois) qui persiste. En effet, d'une douleur initialement « simple symptôme » (douleur signal d'alarme), celle-ci devient un « syndrome » à part entière (douleur maladie), qui affecte physiquement, psychologiquement et socialement le malade.

Une douleur aiguë se manifeste à l'occasion d'une lésion tissulaire et a pour rôle essentiel de prévenir l'individu d'un dysfonctionnement de son organisme. Elle est associée à des palpitations, à une augmentation de la pression artérielle, du taux de certaines hormones (cortisol, catécholamines) et de la fréquence de la ventilation (mouvement de l'air dans les poumons).

Une douleur chronique est une douleur persistant un mois au-delà du temps habituel lors d'une maladie aiguë, ou après le temps escompté une fois la guérison survenue, ou bien encore une douleur associée à une maladie chronique.

On distingue également les douleurs selon leur origine :

La douleur « nociceptive », par excès de stimulation des nocicepteurs (récepteurs nerveux spécifiques des sensations douloureuses) est une douleur symptôme, signal d'alarme d'un dommage tissulaire, lié à un traumatisme chirurgical, par exemple.

La douleur neurogène résulte d'une lésion nerveuse responsable d'un dysfonctionnement dans la transmission et le contrôle des messages douloureux. Les principales causes de douleurs neurogènes sont l'amputation (membre fantôme), le zona, les lésions des nerfs, la paraplégie, etc.

La douleur psychogène, ou fonctionnelle, est une douleur sans cause organique identifiée. La liste de ce type de douleur est longue : douleurs par contraction musculaire, fibromyalgie (douleurs diffuses ressenties dans différentes parties du corps), céphalée, migraine, etc. Souvent, c'est lorsqu'elle devient chronique que l'origine psychogène d'une douleur est évoquée, devant les résultats négatifs du bilan clinique et des examens biologiques ou radiologiques.

Évaluer la douleur

La douleur est un phénomène subjectif, individuel, donc difficilement communicable : son évaluation a d'ailleurs été longtemps négligée. Or l'absence de moyens pour évaluer l'intensité de la douleur expose au risque de la sous-estimer ou de la méconnaître. C'est un phénomène nouveau que d'envisager d'évaluer systématiquement la douleur comme on le ferait pour une autre variable biologique (température, pression artérielle, etc.).

Pourquoi évaluer la douleur ? Diverses croyances ou craintes peuvent conduire les patients à ne pas exprimer leur douleur ou à refuser un traitement antalgique, morphinique en particulier : idée que la douleur est inévitable ou que le traitement doit être réservé aux douleurs intolérables ; crainte que le traitement utilisé « trop tôt » ne perde son efficacité (accoutumance) ; crainte des effets secondaires et de la dépendance aux morphiniques ; désir de se montrer vaillant face à la douleur ; volonté de ne pas alarmer les proches, etc. En outre, l'évaluation de la douleur permet d'adapter le traitement à son intensité, de contrôler l'efficacité des traitements mis en œuvre, d'améliorer la communication entre le malade et les soignants (un malade qui a appris à utiliser une méthode d'évaluation sait mieux, ultérieurement, communiquer sur sa douleur).

Les échelles d'évaluation. Outre le témoignage oral du patient et l'observation de son comportement par le médecin, différentes échelles sont utilisées pour apprécier globalement l'intensité de la douleur ou son soulagement. L'échelle verbale simple (EVS) se présente sous la forme de 4 ou 5 catégories, chacune de celles-ci correspondant à un adjectif qui qualifie la douleur : absente, faible, modérée, intense, extrêmement intense. Le patient entoure la catégorie qui caractérise la douleur au moment présent, la douleur habituelle depuis les 8 derniers jours, la douleur la plus intense depuis les 8 derniers jours. L'échelle numérique (EN) permet au patient de donner, pour les 3 types de douleurs précédentes, une note de 0 à 10 (ou 0 à 100). La note 0 est définie par « douleur absente », la note 10 (ou 100) par « douleur maximale imaginable ». L'échelle visuelle analogique (EVA) se présente sous la forme d'une ligne horizontale de 100 millimètres, orientée de gauche à droite. Les deux extrémités de la ligne sont définies par « douleur absente » et « douleur maximale imaginable ». Le patient trace une croix sur la ligne, au niveau qui caractérise sa douleur, pour les 3 types de douleurs précédentes. Pour évaluer le soulagement d'une douleur, on peut mesurer la variation d'intensité en pourcentage (de 0 à 100 %) par rapport à une douleur de référence antérieure.

Traitement

La lutte contre la douleur représente l'une des priorités de la médecine. Les centres spécifiques de traitement de la douleur connaissent un important développement et s'intègrent dans la prise en charge globale du malade.

L'utilisation d'analgésiques associée au traitement de la cause de la douleur apporte un soulagement dans de nombreux cas, notamment dans les douleurs aiguës. Le traitement des douleurs chroniques prend en compte les différents aspects de ce type de douleur : physique, psychologique, social. Il fait donc appel à des moyens très divers : médicamenteux, mais aussi physiques, psychologiques, chirurgicaux.

Les analgésiques (ou antalgiques) peuvent être classés en trois paliers, selon leur niveau d'efficacité. L'absence d'efficacité d'un analgésique de l'un des paliers conduit à l'utilisation d'un analgésique du palier supérieur. Le niveau I correspond au paracétamol, à l'aspirine et aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Ces médicaments sont utiles pour traiter les douleurs légères et modérées, telles que les maux de tête ou de dents. Le niveau II correspond à l'association des médicaments du niveau I à des morphiniques mineurs (codéine, dextropropoxyphène). Les médicaments de cette classe peuvent soulager des douleurs plus intenses, comme celles provoquées par l'arthrose ou les traumatismes sportifs. Le niveau III correspond essentiellement à la morphine. C'est un analgésique puissant, indispensable pour traiter les douleurs très intenses et rebelles. Pour les douleurs aiguës, comme les douleurs postopératoires, la morphine est de plus en plus utilisée sous forme d'injections contrôlées par le patient (par l'intermédiaire d'une petite pompe). Pour les douleurs chroniques, telles celles liées au cancer, il existe de nombreuses possibilités d'administration. La morphine est un médicament extrêmement sûr, qui n'entraîne pas de toxicomanie. Ses effets indésirables, rares, sont en général bien maîtrisés par les médecins et les soignants. Il n'y a donc aucune raison de limiter son utilisation dès lors que les autres médicaments analgésiques n'ont pas réussi à soulager la douleur en cause. Quel que soit le contexte clinique, à partir du moment où une douleur est continue dans la journée, il est préférable de prendre les analgésiques de façon préventive, à horaire fixe et à intervalle régulier, en tenant compte de la durée d'efficacité du produit utilisé.

Les traitements complémentaires. La kinésithérapie est essentielle dans le traitement de nombreuses douleurs chroniques touchant l'appareil locomoteur, en particulier les lombalgies et les lombosciatiques chroniques. Elle apporte une aide utile dans le cas de douleurs « secondaires », souvent liées à des mauvaises positions ou attitudes, à des contractures musculaires, à des limitations articulaires. La kinésithérapie peut faciliter la reprise progressive des activités physiques du patient. Elle peut être associée à des techniques de relaxation, qui aident le patient à mieux contrôler sa douleur et à mieux réagir face aux situations stressantes susceptibles de l'augmenter. Les techniques de relaxation peuvent être utilisées par d'autres spécialistes (psychologue ou psychiatre). L'objectif est d'aider le patient à accroître sa tolérance à la douleur (à réduire la peur de la douleur), à mieux l'accepter et à mener des activités aussi normales que possible. Parallèlement à ces méthodes, il existe d'autres techniques (neurostimilation transcutanée, applications de chaud/froid, etc.) utiles pour traiter la douleur, notamment quand celle-ci est d'origine neurogène.

Aspects psychologiques

La douleur s'accompagne généralement d'angoisse, d'anxiété et, parfois, de peur. La cause et les circonstances de sa survenue peuvent aussi influencer la façon dont elle est perçue par le patient. La douleur liée à un cancer, en raison de la peur occasionnée par cette maladie, peut apparaître comme beaucoup plus intense et causer plus de souffrance qu'une douleur similaire résultant d'une maladie bénigne. Par ailleurs, la sensation douloureuse peut être réduite dans les situations d'excitation (par exemple, lors d'une compétition sportive) ou d'émotion intense. Certains pensent qu'une préparation mentale à la douleur (par exemple, en vue de l'accouchement) réduit considérablement la sensation et la réaction qu'elle déclenche.

Le suivi psychologique. Une douleur trop intense ou persistante peut devenir déstabilisante pour le patient, qui a besoin d'apprendre à se protéger psychologiquement contre la douleur. Un suivi par un psychiatre ou un psychologue est généralement souhaitable. Il est souvent difficile, pour le patient, d'accepter cette démarche. Celle-ci ne veut absolument pas dire que la douleur est « imaginaire ». Son but est d'aider la personne souffrante à mieux faire face à la réaction dépressive qui accompagne généralement une douleur chronique, et à mieux comprendre les liens qui existent avec d'autres difficultés, passées ou actuelles.

Antidépresseurs, anxiolytiques et sédatifs. Les antidépresseurs sont utilisés d'une part pour leur action propre contre la douleur dans certaines maladies (diabète, zona) et pour traiter les symptômes psychiques associés à la douleur chronique (dépression, anxiété, insomnie). Les médicaments contre l'anxiété (anxiolytiques, sédatifs) n'ont pas de réels effets sur la douleur. Souvent prescrits pour un trouble du sommeil ou comme relaxant musculaire, ces médicaments ne sont pas inoffensifs. Ils s'accompagnent d'effets secondaires (somnolence) qui vont à l'encontre du programme de reprise d'activité. En outre, en raison du risque de dépendance, il est recommandé de ne les utiliser que sur de courtes périodes.

Voir : antalgique, douleur postopératoire, kinésithérapie, morphine.

Savoir expliquer sa douleur au médecin

Savoir expliquer sa douleur au médecin



La description minutieuse d'une douleur à son médecin apporte des renseignements irremplaçables pour le diagnostic. Il est utile que le patient décrive les différentes caractéristiques de la douleur : la localisation (en montrant du doigt le trajet de la douleur), le type (à quoi comparer la douleur : pression, brûlure, décharges électriques…), l'évolution (depuis quand la douleur a débuté ? Était-ce de manière brutale, progressive ?), les circonstances déclenchantes initiales (effort, traumatisme, accident de travail…). Il faut répondre le plus précisément possible aux questions du médecin. S'agit-il d'une douleur permanente ou intermittente ? Quelle est la durée des accès, des périodes de rémission ? La douleur survient-elle le jour, la nuit ? Quels sont les facteurs qui la soulagent, l'aggravent (position, mouvement, horaire, émotions, etc.) ?