Alekseï Maksimovitch Pechkov, dit Maksim Gorki
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain russe (Nijni Novgorod, 1868 – Moscou 1936).
Le « fondateur du réalisme socialiste » fut d'abord une figure originale de la vie littéraire russe. Sans instruction, comme il le raconte dans son autobiographie (Enfance, 1913 ; En gagnant mon pain, 1916 ; Mes universités, 1922), une des sources de la « légende » Gorki, la seule école qu'il ait fréquentée est celle de la vie puisque, orphelin à 9 ans, il doit travailler très jeune. Il exerce tous les métiers imaginables et découvre en autodidacte le monde des livres. À Kazan, où sa pauvreté l'empêche de s'inscrire à l'Université (plus tard, il œuvrera inlassablement en faveur de l'instruction populaire), il rencontre des populistes, mais il préfère à l'activité politique l'existence des « rejetés » qui peuplent les faubourgs misérables de la ville. Il éprouvera toujours méfiance et répugnance envers l'intelligentsia : dans son dernier roman, Klim Sanguine (1925-1936), il en trace un portrait impitoyable. Viennent les années d'errance à travers la Russie profonde, qui inspirent ses premiers récits (Makar Tchoudra, 1892 ; Tchelkach, la Vieille Izerguil, 1895 ; Konovalov, 1897). Réunis dans Essais et récits (1898), ils lui apportent une popularité rapide, qui s'explique par le caractère radicalement nouveau de ses personnages, des marginaux en rupture de société, ivres de cette aspiration confuse à la liberté que le Chant du pétrel (1901) célébrera poétiquement. La critique de l'intelligentsia, dans Foma Gordéïev (1899), apparaît comme une preuve de plus du caractère véritablement populaire de Gorki. Celui-ci devient une personnalité publique et se tourne vers le théâtre, qu'il considère comme une tribune : les Bas-Fonds (1902) décrivent les milieux populaires, les Petits-Bourgeois (1902), les Estivants (1904) et les Enfants du soleil (1905) reviennent sur la décomposition de la bourgeoisie et l'inertie des intellectuels. La révolution de 1905 le contraint à s'exiler aux États-Unis (En Amérique, 1906) et l'incite à prendre pour héros des prolétaires que leur lutte a rendus conscients. Gorki n'a jamais été ouvrier, mais la Mère (1906) deviendra le canon de la littérature soviétique. Ce récit de la rédemption d'une mère par son fils, pour l'amour duquel elle s'engage dans la lutte révolutionnaire, pêche par un didactisme trop lourd, appuyé sur une symbolique chrétienne inversée très pesante, et des personnages grossièrement idéalisés. À Capri, Gorki subit l'influence des « constructeurs de Dieu », mouvement de mystique révolutionnaire (la Confession, 1908), mais il poursuit dans son théâtre (les Derniers, 1908 ; Vassa Jeleznova, 1910) et sa prose (la Ville d'Okourov, 1909 ; Matveï Kojemiakine, 1911) la satire du monde bourgeois et l'évocation des luttes ouvrières, avec un dogmatisme de plus en plus appuyé. À la faveur d'une amnistie, il revient en Russie en 1913. Enfance lui permet de renouer avec son public. Ce récit est souvent considéré comme le plus abouti sur le plan esthétique : la prose de Gorki y acquiert équilibre et légèreté, tout en conservant sa vivacité, son énergie, sa rudesse parfois. La révolution de Février paraît combler ses attentes. Il devient directeur d'une revue, la Vie nouvelle, dans laquelle il publie ses Pensées intempestives (1917-1918) où il prend position contre la révolution d'Octobre. Malgré l'interdiction de sa revue, il consent à collaborer avec les institutions culturelles soviétiques. Il crée des maisons d'édition, profite de sa situation privilégiée pour protéger certains écrivains menacés, tout en continuant à critiquer le régime. En 1921, il doit quitter la Russie, sur l'incitation (ou l'ordre ?) de Lénine. De Sorrente, où il réside de 1921 à 1928, il continue à se faire publier en U.R.S.S., mais aussi à dénoncer la politique de répression. Il rédige un portrait de Lénine, inspiré de ses souvenirs, et un roman, la Maison Artamanov (1925), qui retrace l'ascension et la décadence d'un empire industriel et, symboliquement, celle du monde capitaliste : ces textes le rapprochent de l'idéologie en vigueur. En 1928, il se rend à Moscou, pour une célébration officielle et reçoit un accueil triomphal. Son retour définitif a lieu en 1933 et inaugure le processus de sanctification de l'écrivain. À la demande de Staline, il élabore les bases d'une nouvelle littérature, le « réalisme socialiste » organisant (1934) et dirigeant l'Union des écrivains. À sa mort, dont on ne saurait dire avec certitude si elle a été ou non commanditée par Staline, toutes les conditions sont réunies pour que naisse le mythe du « grand écrivain prolétarien ».