sanskrit
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
S'il n'est plus, depuis assez longtemps déjà, un moyen de communication courant et populaire, le sanskrit – langue de la civilisation de l'Inde ancienne – continue de jouer un rôle important dans la vie, la pensée et l'expression du peuple indien. Figurant dans la nouvelle Constitution indienne parmi les quinze langues principales du pays, il jouit d'une influence panindienne et, sauf les quatre langues du sud de l'Inde, toutes les langues du pays en sont dérivées. Il fait partie de la famille linguistique connue sous le nom d'indo-européen, dont l'identification n'a été possible que parce que le sanskrit était conservé en Inde et pouvait être étudié par les orientalistes.
L'histoire de la langue sanskrite, attestée par une littérature ininterrompue pendant environ 4 000 ans, commence par le Rigveda. Ce document linguistique incomparable représente la phase la plus ancienne de l'indo-européen, dont il conserve tous les traits caractéristiques en matière de phonétique, de morphologie, de vocabulaire, etc. C'est aussi une œuvre littéraire d'une grande qualité poétique. Le sanskrit ne prend une forme plus nette que dans les Brahmana, exégèse des Veda. À partir de 600 avant J.-C., cette langue s'affine et s'uniformise grâce à une tradition d'éminents grammairiens tel Panini, et devient le sanskrit classique qui coexiste avec un sanskrit moins formalisé (présent dans les Épopées, les Purana, la littérature scientifique et technique). Quant aux dialectes en usage pendant la période védique, ils donnèrent naissance, vers 1000 apr. J.-C., à une série de parlers populaires (prakrits)), à l'origine des langues modernes de l'Inde du Nord.
Pour en savoir plus, voir l'article sanskrit [linguistique].
Concernant la littérature sanskrite, les premiers textes sont les Veda, d'abord transmis par la tradition orale (sruti), et dont les plus anciens textes remontent à 2000 av. J.-C. Ce sont le Rigveda (Veda des strophes), le plus ancien et le plus important de tous, qui contient un peu plus de 1 000 hymnes adressés pour la plupart aux divinités de la nature primordiale ; le Yajurveda (Veda des formules sacrificielles) ; le Samaveda (Veda des mélodies), qui groupe une sélection d'hymnes du Rigveda avec la mélodie propre à chaque vers, de façon à permettre le chant liturgique ; l'Atharvaveda, addition ultérieure, qui contient des hymnes de type divers et des formules magiques. À ces textes de base se rattachent des commentaires en prose, les Brahmana, incluant une partie ésotérique, appelée Aranyaka (traités de la forêt), ainsi que les Upanisad. Les Vedanga (auxiliaires des Veda) et les Sutra (aphorismes), relevant de la mémoire (smrti), contiennent l'enseignement rituel. Vers le début de l'ère chrétienne sont composées les deux grandes épopées, le Mahabharata et le Ramayana. Les Purana, ou récits « des temps anciens », et les premiers Tantra, exposés des pratiques et doctrines tantriques, apparaissent sous forme écrite à la même époque. Mais le trait le plus remarquable de la période classique du sanskrit est la naissance et l'épanouissement d'une poésie très raffinée et ornée, en même temps que se développent la pensée scientifique et la spéculation métaphysique.
La première floraison dans le domaine de la poésie et du théâtre est placée sous le patronage des empereurs Gupta (à partir du ive s.) ; les noms de Kalidasa, ou de poètes tels Bhartrhari, Jayadeva, et d'auteurs dramatiques tels que Sudraka, Harsa et Bhavabhuti, sont représentatifs de cette époque. Avant même la venue de Kalidasa, Asvaghosa, poète et philosophe célèbre, avait écrit un poème épique remarquable, Buddhacarita, et Bhasa, cité par Kalidasa, avait donné au théâtre sanskrit des bases solides. Dans le domaine de la poésie historique, la Rajatarangini (Rivière des rois) de Kalhana (xiie s.), qui raconte l'histoire des rois du Cachemire, est une œuvre notable. Les récits indiens – mythes, fables ou contes merveilleux – dont l'origine remonte à des temps immémoriaux trouvent leur première forme écrite dans les Veda. Mais le premier recueil de contes, généralement des histoires d'animaux, est le Pañcatantra, attribué à un certain Visnusarman et composé dans le but d'instruire agréablement les princes, qui date de la fin du ve siècle. Diverses recensions existent, dont le recueil célèbre Hitopadesa (« Instruction profitable »). Un autre ensemble de contes, le Kathasaritsagara (« Océan de la rivière des contes »), a été compilé au xie s. à partir de la version kashmiri d'un recueil dont l'original a été perdu, la Brihatkatha. Les œuvres en prose comprennent également des textes que l'on appelle « romans », mais qui sont plutôt de longs récits écrits dans un style précieux et une veine lyrique : « l'Histoire des dix princes » (Dasakumaracarita) de Dandin (vie ou viie s.), Vasavadatta de Subandhu (viie-viiie s.), Kadambari et Harsacarita de Bana (viie s.).
Une quantité considérable d'ouvrages scientifiques et techniques ont été rédigés en sanskrit : ce sont les divers S'astra, qui traitent de lexicographie, de métrique, de grammaire, de loi civile et religieuse (Dharmas'astra), d'économie et de politique (Arthas'astra, Nitis'astra), d'érotique (Kamas'astra), de philosophie et de religion, de médecine, d'astronomie, d'astrologie et de mathématiques. Les ouvrages philosophiques et religieux, textes de référence et commentaires, relèvent aussi bien de l'hindouisme que du bouddhisme et du jaïnisme. Parmi les traités de grammaire et de lexicographie, le plus ancien exemple est le Nirukta de Yaska, qui donne l'explication des mots védiques difficiles. La plus célèbre grammaire, l'Astadhyayi de Panini, a été commentée par le Mahabhasya de Patanjali. Dans le domaine de la poétique, Bharata, l'auteur supposé du Natys'astra, est un nom légendaire ; des contributions importantes ont été apportées par Dandin, Bhamaha, Abhinavagupta et Sarngadeva.
Si les adeptes du bouddhisme et du jaïnisme ont d'abord préféré utiliser le pali et les prakrits pour propager leur religion, à partir du début de l'ère chrétienne leurs œuvres sont de plus en plus régulièrement rédigées en sanskrit. C'est ainsi que la biographie du Bouddha (Lalitavistara), les œuvres d'Asvaghosa, le Bodhicaryavatara de Santideva et le Mañjusrimulatantra utilisent cette langue. Parmi les auteurs jaina en sanskrit, mentionnons Haribhadra (viiie s.), Siddharsi, Somadevasuri et Amitagati (xe s.) et le poète et érudit Hemacandra (xiie s.). Le Tattvarthadhigama-sutra de Umasvati, qui vécut au iie s., est un exemple ancien de l'usage que les jaina ont fait du sanskrit.