Valery Larbaud
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain français (Vichy 1881 – id. 1957).
Une grande fortune et une santé fragile assurent à un adolescent qui se cherche disponibilité et sensibilité. Grand voyageur, il parcourt l'Europe, passionné surtout par l'Italie, l'Espagne et l'Angleterre. Amoureux des littératures étrangères, il découvre Walt Withman dont il pressent l'importance, traduit Samuel Butler, se lie avec Ramon Gomez de la Serna, rencontre Joyce. Européen par sa culture, il revient toujours à lui-même. Des vers parnassiens des Portiques (1896) aux contes qui seront réunis dans Enfantines (1918), en passant par cette initiation à l'âge adulte qu'est Fermina Marquez (1911), Larbaud ne cesse de poursuivre son être intime à travers le masque d'A. O. Barnabooth, héros milliardaire, véritable alter ego, et de s'enraciner dans l'ailleurs à la suite de Whitman, Rimbaud et Hofmannsthal : l'humour et le cosmopolitisme des Poèmes par un riche amateur (1908), accompagnés de la Biographie de Barnabooth, feront place à l'univers plus humain mais plus inquiet du Journal intime (1913) et des Poésies d'A. O. Barnabooth (1923). Tout en refusant le titre que lui proposait Gide dès 1908 (« Journal d'un homme libre »), c'est bien cet aboutissement de l'itinéraire que marque la dernière édition (1951). Journal imaginaire d'un richissime Péruvien qui, sur le rythme du Bildungsroman et dans la tonalité de l'humour anglais, découvre l'Europe et sa propre inaptitude à la liberté : une des dernières expressions du cosmopolitisme raffiné qui promène, avec un désenchantement élégant, sa culture et son monocle dans une Europe où va bientôt retentir le tonnerre de Joyce et de Sarajevo. Ses autres ouvrages utilisent divers registres. Qu'elle joue sur le monologue intérieur (Amants, heureux amants, 1923), sur le dialogue avec les paysages traversés, les villes ouvertes et les femmes errantes (Jaune, bleu, blanc, 1928 ; Allen, 1929 ; Aux couleurs de Rome, 1938) ou sur l'éblouissement d'une écriture découverte (Ce vice impuni, la lecture, 1925-1941), l'œuvre de Larbaud témoigne d'une même préoccupation esthète (Beauté, mon beau souci, 1921 ; Journal, 1954-1955) qui lui permit notamment de comprendre et de révéler aux Français l'Ulysse de Joyce. Car cet écrivain, qui fut un critique averti de la littérature de son temps, se double d'un excellent traducteur, qui exprime ses idées sur l'art de traduire dans Sous l'invocation de saint Jérôme (1946).