Theodor Fontane
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain allemand (Neuruppin 1819 – Berlin 1898).
Descendant de réfugiés huguenots, il grandit à Neuruppin, puis à Swinemünde, petite ville de la Baltique évoquée de façon attachante dans Mes années d'enfance (1892). Après des études décousues, il entre en apprentissage chez un pharmacien de Berlin, participe à la fermentation intellectuelle du Vormärz, puis à la révolution de 1848. Résigné, après l'échec de celle-ci, au triomphe de la réaction, il accepte en 1850 de travailler pour la censure prussienne, à Berlin, puis à Londres entre 1852 et 1859, comme agent officieux du ministre de l'Intérieur. De 1860 à 1870, il collabore à la Kreuzzeitung, organe des conservateurs prussiens. Il entreprend alors une monumentale description des paysages et des sites historiques du Brandebourg, publiée dans quatre volumes de Pérégrinations (Pérégrinations à travers la Marche de Brandebourg, 1862-1882). Il voyage comme corres– pondant de guerre en Bohême en 1866, puis en 1870 en France, où il est arrêté et incarcéré comme espion – expérience racontée dans ses Souvenirs d'un prisonnier de guerre allemand en France (1871) avec la bonhomie et l'humour que l'on retrouve dans presque tous ses récits de voyages. De 1870 à 1889, il rédige des comptes rendus de pièces de théâtre qui contribueront à moderniser le style de la scène et de la critique berlinoises. En 1878, il publie son premier roman Avant la Tempête, fresque historique longuement mûrie, évoquant l'atmosphère de la Prusse à la veille des guerres de libération nationale. Mais ce n'est que dans les dernières années de sa vie que Fontane crée la partie de son œuvre qui assurera sa postérité : des romans réalistes décrivant la société de son temps (l'Adultera, 1882 ; Dédales, 1888 ; Jours disparus, 1891 ; Frau Jenny Treibel, 1892) et, surtout, Effi Briest (1896), qui lui apporte succès et notoriété. Effi, mariée à 17 ans au baron Innstetten, de 20 ans son aîné, cède sans passion à la cour du capitaine Crampas, qui sait profiter de la solitude morale de la jeune femme. Sept ans plus tard, Innstetten découvre les lettres de l'ancien amant, le provoque en duel, le tue et divorce, comme l'exige le code de l'honneur. Le sort d'Effi, rejetée et exclue, éveille la pitié de ses parents, qui lui permettent de mourir dans la maison de son enfance, victime, comme de nombreux héros de Fontane, du poids des conventions sociales. Le Stechlin (1899) exprime sans nostalgie le pressentiment de la disparition de cette vieille Prusse à la glorification de laquelle l'auteur a pourtant consacré une partie de sa vie. Naviguant entre romantisme et naturalisme, entre idylle et satire sociale, Fontane a conduit le réalisme allemand à son apogée. Son œuvre romanesque appartient en Allemagne à l'élément le plus vivant de la littérature héritée du xixe s. La popularité de cet auteur, que Thomas Mann considérait comme l'un de ses maîtres, s'est progressivement étendue à tous les aspects de son œuvre, à ses ballades et épigrammes aussi bien qu'à sa riche correspondance.