Andrzej Stasiuk

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain polonais (Varsovie 1960).

Il est l'auteur emblématique de la génération des révoltés qui refusent de faire leur service militaire dans les rangs d'une armée polonaise affiliée à celle de l'Union soviétique (ce qui lui vaut d'être incorporé dans un corps punitif et de connaître la prison), qui rejettent le totalitarisme sous toutes ses formes. Romancier, poète et essayiste, il est parmi les premiers auteurs à publier dans la revue de Cracovie BruLion qui dénonce toute mainmise centralisatrice dans le domaine littéraire. Les héros de ses livres témoignent de l'achèvement d'un itinéraire de près d'un demi-siècle. Au début, il y avait l'internationalisme, le regroupement se faisait derrière le drapeau rouge soviétique, le terme « patrie » était proscrit. Vient ensuite la revendication d'une polonité avec des œuvres comme le roman de T. Konwicki, le Complexe polonais. Être polonais n'est plus un critère identificatoire suffisant pour le héros des narrations conçues après 1989. Il doit pouvoir se situer dans un terroir, une « petite patrie ». Son identité est étroitement liée à son lieu de vie, qui devient un espace mythique capable de le réconcilier avec son histoire. Pour Stasiuk, comme pour de nombreux écrivains de sa génération en Europe de l'Est et du Centre, après les traumatismes que leur infligea le xxe siècle avec ses génocides, ses idéologies totalitaires, ses modifications arbitraires de frontières, ses déplacements de populations par décision politique, la patrie locale (pour Stasiuk, le Bas-Beskide) devient l'espace où l'homme s'accomplit pour y avoir été accueilli, l'espace dont il endosse la responsabilité de la pérennisation des valeurs. S'expriment ainsi la nostalgie des patries perdues à la suite de la Seconde Guerre mondiale (les confins orientaux, Wilno, Lwów, le shtetl...), le rejet de l'uniformisation de la vie dans toutes ses expressions, voulue par le marxisme, l'attention optimale accordée à la multiplicité des cultures, à la richesse de leurs différences, à la nécessaire tolérance mutuelle. La « petite patrie » est ce qui permet de reconstruire une identité personnelle, de redonner sens à une vie à travers un enracinement ancien ou nouveau. Les personnages de Stasiuk sont généralement jeunes et révoltés. Ils refusent l'illusion d'une brillante carrière à laquelle ils préfèrent une existence en quête de liberté, de sentiments et d'émotions authentiques, dont celles induites par la souffrance et la mort ne sont pas occultées. Le style de Stasiuk est emprunt de musicalité, de sensibilité à la valeur essentielle du mot. Le rythme de ses romans est alerte alors même qu'il alterne une forme narrative pure avec des passages plus apparentés à l'essai. Ses principaux écrits sont des romans : les Murs d'Hébron (1992), le Corbeau blanc (1995), Nouvelles galiciennes (1995), Ducla (1997), l'Hiver (2001) ; une autobiographie : Comment je suis devenu écrivain (1998) ; deux pièces pour la télévision : De la mort (1998), Neuf (1999) ; un essai : Mon Europe (2000) ; des poèmes : Poèmes d'amour et d'autres qui ne le sont pas (1994).