Roger Caillois
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain français (Reims 1913 – Paris 1978).
À Paris, en 1932, il rencontre Breton et adhère au groupe surréaliste, avec lequel il rompra en publiant une lettre ouverte, Procès intellectuel de l'art. En 1936, il passe l'agrégation, soutient son diplôme de l'École pratique des hautes études (les Démons de midi) et lance avec Aragon, Monnerot et Tzara la revue Inquisitions. En 1937, il fonde avec Bataille puis Leiris le « Collège de sociologie ». Son premier recueil, le Mythe et l'Homme (1938), dresse un inventaire et esquisse une logique générale de l'imagination affective. À l'opposition traditionnelle des désordres de l'imagination et de l'ordre rationnel, Caillois veut substituer une conception plus rigoureuse de la raison qui lui permettrait de montrer que le désordre fait partie de l'ordre des choses. L'Homme et le Sacré (1939) analyse le sacré dans sa double nature : pur ou impur, objet d'attrait ou d'horreur, sacré de cohésion ou de dissolution, il est au cœur du social, lequel ne saurait se réduire au profane et à la seule nécessité économique. Considéré comme le manuel du Collège de sociologie, l'ouvrage connaîtra trois éditions (1939, 1950, 1963). Invité à Buenos Aires par Victoria Ocampo dans le cadre de conférences sur les mythes pour la revue Sur, il y reste cinq ans à cause de la Seconde Guerre mondiale. Il fonde alors la revue Lettres françaises et publie divers ouvrages : le Roman policier, Puissances du roman, les Impostures de la poésie, le Rocher de Sisyphe, Essai sur l'esprit des sectes. De retour à Paris, il entre, en 1948, à l'Unesco, et crée chez Gallimard « la Croix du Sud », où il traduit Borges. En 1952, il fonde la revue Diogène et publie l'Incertitude qui vient des rêves (1956), les Jeux et les Hommes (1958), Méduse et Cie (1960). Dans Ponce Pilate (1961), bref récit de facture borgésienne, à mi-chemin de la reconstitution historique et du conte philosophique, Caillois imagine que Pilate a refusé de faire exécuter l'illuminé qui se faisait passer pour le Messie et envisage les conséquences d'un tel événement. Suivront Au cœur du fantastique (1965), Pierres (1966), Cases d'un échiquier (1970), et l'Écriture des pierres (1970), qui envisage, à travers des descriptions souvent poétiques, les formes d'une « esthétique généralisée ». Approches de l'imaginaire (1974), recueil de textes marqués par son passage dans le surréalisme ou écrits dans le cadre du Collège de sociologie, constitue un essai de définition de la logique de l'imaginaire, à travers la découverte de la parenté profonde des démarches esthétiques de l'art et de la nature et de l'éclatement des formes d'expression linguistique et romanesque. Son dernier livre, le Fleuve Alphée (1978), est sa biographie intellectuelle. Polymorphe, l'œuvre de Caillois se défie des systèmes et recherche une lecture du monde toujours plus précise et plus juste. Elle tente de comprendre l'homme en regardant la société, en recherchant cette unité originelle perdue qui lie l'évolution culturelle et la vie individuelle. Au croisement de l'imaginaire et de la sociologie, du désir et de la raison, l'écriture de Caillois retrouve, dans une forme moderne, les accents des premières littératures et leur visée cosmogonique.