René Daumal
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Poète français (Boulzicourt, Ardennes 1908 – Paris 1944).
Daumal ou le Grand Jeu. Il se lie dès l'école à Roger Gilbert-Lecomte et à Roger Vaillant : Reims sera la ville d'un sacre amical pour des « phrères ». Écolier à Charleville, il se souvient de Rimbaud et de sa recherche des limites, côtoie – mais pas plus – les surréalistes, dont lui sont étrangers le rapport à la vie réelle et le sens de la magie. Les divergences apparaissent dans une fameuse lettre ouverte à Breton. Le Grand Jeu, appelant à une « réceptivité entière », est la critique la plus nourrie, la plus intelligente du surréalisme ; celle qui portera le plus. Très attentif à la spiritualité orientale dont il est connaisseur, ce disciple de Gurdjief s'entraîne à la rencontre d'un moi fondamental, à un dépouillement dont il donne à suivre les étapes spirituelles dans une correspondance fournie et posthume (1996) et dans le Contre-ciel (1935). L'ampleur du projet est rien moins que titanesque : trouver les Pouvoirs de la parole (œuvre publiée après sa mort en 1972) mais aussi une sorte de dit fondamental, dont le sanskrit s'approche. Deux images du poète aussi : le poète noir, du côté de la richesse ; et le blanc, proche du dénuement. Après les Dernières Paroles du poète (1937) il contracte la tuberculose. À sa mort, il travaille à un roman d'aventure symbolique sous forme de fable, le Mont analogue (posthume, 1952). Huit personnes franchissent, escaladent l'espace qui sépare la captivité de la liberté, la poésie de la réalité, la multitude de l'un. La poésie spirituelle n'est rien si elle ne mène au réel. Par elle, le sens du monde est atteint.