René Crevel
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain français (Paris 1900 – id. 1935).
Après des études de droit et de lettres, une thèse abandonnée sur Denis Diderot, Crevel, en jeune homme de son temps, se lance à corps perdu dans l'aventure surréaliste aux côtés d'Arland, de Vitrac, d'Aragon, d'Eluard, de Soupault et de Tzara. Il publie des textes remarqués aux forts accents personnels dans la revue la Révolution surréaliste. Très tôt, la peinture – le dédale des toiles de De Chirico en particulier – lui révèle un monde neuf, des perspectives saisissantes qu'il n'aura de cesse d'arpenter. Comme chez Diderot, écrivain et critique d'art sont un même homme. Poète avant tout, et par une écriture souple et fluide qui rend la vie de la pensée, qu'il tente d'écrire au fur et à mesure de son déroulement même, R. Crevel est pourtant surtout connu pour trois récits qui ne forment pas cycle : Détours (1924), Mon corps et moi (1925), la Mort difficile (1926). Le second aura une influence durable sur les jeunes surréalistes.
Ces œuvres denses frappent les trois coups de son aventure d'écrire et se dressent dans une belle narration contre l'univers bourgeois par trop conventionnel du temps, dont la lourdeur est sapée par une écriture en flux tendu. Théoricien, essayiste, pamphlétaire (Êtes-vous fou ?, 1929 ; Paul Klee, 1930), Crevel est un écrivain engagé avant la lettre et sera de toutes les polémiques. Charme, intuition, intelligence : ce jeune homme à l'aura immense qui avait tout pour lui choisit « la plus invraisemblablement juste et définitive des solutions », le suicide, en mettant fin à ses jours à une époque très critique pour le surréalisme. Sa fin aura un retentissement énorme et participe de sa légende. C'est que la vie qui lui était proposée ne correspondait en rien à « certaine sensation d'âme » qu'il recherchait et appelait de ses mots. C'est aussi que, comme il l'avance dans l'Esprit contre la raison (1928) et comme le naturel et la fougue de son style le disent pour lui, « toute poésie est une révolution ». Se rêvant « clavecin sensible » – toujours Diderot –, celui qui entendait « se débarrasser du souvenir » aura arpenté, entre enchantement et terreur, la rive la plus noire des touches du clavier.