Luigi Pirandello
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain italien (Agrigente 1867 – Rome 1936).
Le théâtre de Pirandello est, avant celui de Brecht, l'entreprise la plus systématique de renouvellement de la dramaturgie moderne. Et pourtant Pirandello n'a abordé le théâtre qu'à près de 50 ans, et son activité dramatique ne représente que le tiers d'une œuvre, couronnée par le prix Nobel en 1934 et qui compte tout autant de nouvelles, de romans, de poèmes (Mal joyeux, 1889 ; Pâques de Gea, 1891 ; Élégies du Rhin, 1895 ; Scamandro, 1909) et d'essais (Art et science, 1908 ; l'Humour, 1908). Comme celle de Brecht encore, son œuvre a donc souffert de la même réduction de la part de ses contemporains, et la critique théâtrale a même tenté de ramener l'ensemble de ses pièces à un contenu philosophique, le « pirandellisme », conflit dialectique entre la vie et la forme, la raison et la folie.
Essentielle à la genèse de son œuvre théâtrale, elle comprend sept romans (l'Exclue, 1901 ; Chacun son tour, 1902 ; Feu Mathias Pascal, 1904 ; les Vieux et les Jeunes, 1909 ; Son mari, 1911 ; On tourne, 1915 ; Un, personne et cent mille, 1926) et les 242 récits (dont 21 inédites de son vivant) des Nouvelles pour une année, parues en recueils successifs à partir de 1894 jusqu'en 1937. Au vaste corpus folklorique que composent les nouvelles d'argument typiquement sicilien s'ajoutent toutes les nouvelles qui se rattachent directement au théâtre de Pirandello. Ce sont une insistante thématique du miroir (symbole d'une expérience de dédoublement vécue par Pirandello à la fois comme horreur de son propre corps et comme aliénation au discours d'autrui, particulièrement au délire paranoïaque de sa femme) et de la gémellité (à la fois inversion et récupération de l'expérience biographique du dédoublement), qui unissent les nouvelles, mais aussi quelques romans, à l'œuvre théâtrale.
Toute l'œuvre de Pirandello est donc à lire comme un rigoureux système du double, système qui culmine dans la trilogie du « théâtre dans le théâtre » (Six Personnages en quête d'auteur, 1921 ; Comme ci [ou comme ça], 1924 ; Ce soir, on improvise, 1930), qui forme la réflexion critique la plus élaborée sur les conditions de toute représentation : celle-ci ne peut avoir lieu en dehors du système qui codifie, d'une part, les rapports des divers éléments constitutifs du théâtre, et, d'autre part, la relation du théâtre et de la société. Ainsi, le théâtre pirandellien n'est que la représentation d'une représentation impossible (l'Étau, Cédrats de Sicile, 1910 ; Liolà, 1916 ; Chacun sa vérité, la Volupté de l'honneur, 1917 ; la Greffe, 1919 ; Comme avant, mieux qu'avant, 1920 ; Henri IV, Vêtir ceux qui sont nus, 1922 ; la Vie que je t'ai donnée, l'Autre Fils, 1923 ; l'Offrande au seigneur du navire, 1925 ; la Nouvelle Colonie, 1928 ; Ou d'un seul ou d'aucun, Lazare, 1929 ; Comme tu me veux, 1930 ; Je rêvais [peut-être], 1931 ; Se trouver, 1932 ; On ne sait comment, 1935 ; les Géants de la montagne, posthume 1937). Plus précisément, le théâtre dans le théâtre est mise en scène de ses propres « conditions d'impossibilité ». Selon Pirandello (Préface de la trilogie), l'« impossibilité » des Six Personnages est de l'ordre de la création (comédie « impossible à faire », au même titre que Ce soir, on improvise), alors que celle de Comme ci (ou comme ça) est de l'ordre de la représentation. En fait, dans Six Personnages, le véritable drame n'est pas celui des personnages en quête d'auteur, mais celui d'une œuvre chaque soir aliénée par la présence physique des « personnages », qui seuls sont en mesure de jouer la « scène primitive » incestueuse qui les obsède. Comme ci (ou comme ça) relève plutôt de la mystification, en ce que Pirandello y oscille entre la représentation d'une pièce à clés, interrompue par l'intervention des membres du public qui ont servi de « modèles » à l'auteur, et l'identification du public réel – celui qui assiste à Comme ci (ou comme ça) – au public fictif (de la pièce fictive) qui interrompt la représentation. Ce soir, on improvise, en revanche, est une démonstration par l'absurde (au double sens : logique et représentatif) du fonctionnement théâtral lui-même : l'« impossibilité » que Pirandello y met en scène n'est autre que l'impossibilité, pour les acteurs, de « devenir », sans intermédiaire aucun, les personnages que le metteur en scène prétendait seulement leur faire « interpréter », et, pour le metteur en scène, de se passer de l'auteur (Pirandello). En tant que représentation d'une représentation impossible, les Géants de la montagne s'inscrivent également dans cette problématique du « théâtre dans le théâtre », mais, au lieu de reposer sur un conflit intérieur aux éléments constitutifs du « théâtre », l'« impossibilité » tient ici à l'incompatibilité du « théâtre » et de la société, symbolisée par la mise à mort de la prima donna, lapidée par la foule qu'elle rêvait de convertir à sa passion.
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Les pièces sont citées dans l'ordre chronologique des créations ; les chiffres entre crochets indiquent la date de la première édition. | |