Pierre Reverdy
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Poète français (Narbonne 1889 – Solesmes 1960).
Son enfance se passe dans les paysages arides de la Montagne noire. Une fois ses études achevées au lycée de Toulouse, il s'installe à Paris en 1910, sur les pentes du village de Montmartre, où il se lie d'amitié avec les peintres Juan Gris, Picasso, Braque et les poètes Max Jacob, Apollinaire. C'est dans ce contexte qu'il faut situer sa poésie, trop rapidement considérée comme cubiste en raison de sa disposition typographique nouvelle. De fait, Reverdy est, avec les précédents, l'un des trois fondateurs de la poésie moderne, qu'il illustre et défend dans sa revue Nord-Sud (1916-1918), où il expose sa théorie de l'image, que reprendront, en la radicalisant, les surréalistes. Les plaquettes qu'il fait éditer avec soin depuis 1915, dont les titres sont souvent une locution usuelle détournée (la Lucarne ovale, 1916 ; les Ardoises du toit, 1918 ; les Jockeys camouflés, 1918 ; la Guitare endormie, 1919 ; Cravates de chanvre, 1922), sont rassemblées dans les Épaves du ciel (1924) et reprises dans Plupart du temps (1945). Ce recueil témoigne de l'esthétique de Reverdy : par la plus grande économie de moyens, rendre compte d'une émotion, d'une certaine saveur du réel, tout en laissant au lecteur la plus grande part de jeu. À la même veine poétique se rattachent contes et romans : le Voleur de Talan (1917), la Peau de l'homme, roman populaire (1926), Risques et Périls (1930), où s'invente une forme nouvelle, proche du poème en prose, suivant, à distance, une trame narrative d'origine coutumière. Cette poétique est étayée par une réflexion théorique permanente, rassemblée tour à tour dans le Gant de crin (1927), le Livre de mon bord (1948), En vrac (1956), et dans les œuvres complètes posthumes : Note éternelle du présent (écrits sur l'art 1923-1960), Cette émotion appelée poésie (1950), Nord-Sud, Self-defence et autres écrits sur l'art et la poésie (1917-1926). Pourtant l'art et la poésie ne comblent pas cet homme en quête de spiritualité qui, à l'instar de Max Jacob, se fixe non loin de l'abbaye de Solesmes, en 1926. Cherchant Dieu, il rencontre la religion et ne s'en satisfait pas. Il demeure dans une grande solitude, entrecoupée de publications de poèmes épars et dépouillés à l'extrême (Flaques de verre, 1929), ou de recueils originaux (Sources du vent, 1929 ; Pierres blanches, 1930 ; le Chant des morts, 1948) rassemblés dans Main-d'œuvre (1949), poursuivis par la publication d'œuvres anciennes magnifiquement illustrées par Juan Gris (Au soleil du plafond, 1945) et Braque (la Liberté des mers, 1959). Comme lui, on peut considérer que, dans son œuvre exigeante et désespérée, « tous les fils dénoués au-delà des saisons reprennent leur tour et leur ton sur le fond sombre du silence. »