Paul Scarron
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain français (Paris 1610 – id. 1660).
Déformé par une grave maladie (« Je ne représente pas mal un Z. [...] Enfin, je suis un raccourci de la misère humaine »), victime de douleurs atroces, il entreprit de vivre de sa plume en faisant rire de lui, des autres, et de la littérature « sérieuse » : Sorel dit de lui qu'il « faisait raillerie de tout ». Il chercha à la fois la protection des Grands, se donnant le titre plaisant de « malade de la reine », et le succès public. Il connut ses premières réussites avec les irrévérencieuses poésies mondaines de son Recueil de quelques vers burlesques (1643), et se fit peu à peu reconnaître comme le maître du burlesque, qu'il pratiqua dans tous les genres. Il utilisa le personnage bouffon de Jodelet dans des comédies imitées de comedia espagnoles (Jodelet ou le Maître valet, 1645 ; Jodelet duelliste, 1647 ; l'Héritier ridicule, 1649 ; Dom Japhet d'Arménie, 1652...). Il lança la mode du travestissement de l'épopée, avec le Typhon ou la Gigantomachie (1644) et le Virgile travesti (1648-1652), où l'on trouve « l'explication des choses les plus sérieuses par des expressions tout à fait plaisantes et ridicules » (Naudé) : irruption du trivial, du discordant et du dérisoire dans le genre élevé de l'épopée antique, savoureux clins d'œil anachroniques sur les travers de la société du temps. Pendant la Fronde, il publia sous l'anonymat de virulentes « mazarinades » (Triolets de Saint-Germain, 1649 ; la Mazarinade, 1651) : il semble qu'il en voulait surtout à Mazarin de ne pas l'avoir pensionné... Scarron épousa en 1652 une belle jeune fille sans fortune, Mlle d'Aubigné, la future Mme de Maintenon (seconde épouse de Louis XIV), avec qui il tint un salon réputé. Scarron fut aussi un romancier inventif : ses Nouvelles tragi-comiques (1655-1657) donnèrent des sujets à Molière (la Précaution inutile est la source de l'École des femmes), et son Roman comique (1651-1657), peinture savoureuse de la vie des comédiens de campagne, offre une vision contrastée de son temps. Il y illustre le goût d'une culture (et d'une langue) sans interdits, où le corps est présent autant que le cœur et l'esprit. Pourtant, les récits insérés, romanesques et galants, les discussions littéraires, évoquent la formation du goût classique, mais l'acceptation de la culture nouvelle voisine avec sa parodie : la vie des comédiens ambulants permet l'utilisation allègre de formes culturelles archaïques (fabliaux, farces et contes facétieux), et la peinture de bouffons provinciaux offre l'envers réaliste et « comique » de l'héroïque et du romanesque. Au-delà, Scarron, dans la lignée de Don Quichotte et avant Diderot, interroge par le rire l'essence même de l'illusion narrative.