Paul Nizan
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain français (Tours 1905 – Audruicq, Pas-de-Calais, 1940).
Après une formation des plus classiques (Henri-IV, l'École normale supérieure, l'agrégation de philosophie en 1929), un voyage à Aden brise le cocon des vérités abstraites : en 1932, Aden Arabie, mi-récit, mi-essai, fait le bilan de cette expérience de la désillusion, tandis que les Chiens de garde entreprennent la critique de l'idéalisme universitaire et de la philosophie en chambre qui jamais n'a sauvé personne. Nizan, qui a adhéré au parti communiste, devient un journaliste militant à l'Humanité (1935), où il assure la politique étrangère, puis à Ce soir en 1937. De cette activité extérieure restent Chroniques de septembre, où il réfléchit à la fonction du journaliste politique qui écrit l'histoire au jour le jour et qui se heurte au problème constant des sources de son information. Avant de mourir en juin 1940 dans la retraite de Dunkerque, Nizan avait eu le temps de publier trois romans (Antoine Bloyé, 1933 ; le Cheval de Troie, 1935 ; la Conspiration, 1938). Nizan paya cher sa rupture avec le P.C.F., en protestation contre le pacte germano-soviétique, même de façon posthume : après la Libération, on l'accusa d'avoir trahi et émargé au ministère de l'Intérieur. Il allait glisser dans un oubli méprisant quand Sartre lança en 1960 la petite bombe de sa préface à la réédition d'Aden Arabie. Nizan devient la figure mythique d'un radicalisme absolu, celle de « l'homme qui a dit non jusqu'au bout ». Cet extrémisme et ce refus de l'ordre bourgeois, l'enfance l'explique : fils d'un ouvrier triste d'avoir renié sa classe et d'une « vieille bourgeoise enfantine », Nizan ne vit jamais dans l'avenir que la lueur sinistre qui éclairait le passé de son père. De là était sorti Antoine Bloyé, roman du dégoût. Nizan représente ce désir de devenir un homme nouveau, en sortant de soi : indifféremment, le marxisme servit à tout ; et, quand ses représentants trahirent à leur tour, il ne resta plus qu'à revenir à la révolte anarchique et désespérée, dont Aden Arabie reste la manifestation la plus belle : « J'avais vingt ans, je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. »