Martin Luther
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Théologien allemand (Eisleben 1483 – id. 1546).
Après des études de philosophie et de droit, qu'il interrompt en 1505 pour entrer dans les ordres chez les Augustins d'Erfurt, il se consacre entièrement à la théologie : ordonné prêtre en 1507, il fait un voyage à Rome en 1510-1511 et devient, en 1512, docteur en théologie et professeur à l'université de Wittenberg. C'est là qu'il publie le 31 octobre 1517 ses 95 « thèses » sur les indulgences, où s'affirme déjà sa volonté de réformer l'Église en combattant les abus et les empiétements de Rome et par un retour à la pureté de la foi. Au cours des années suivantes, Luther précise sa pensée et accentue ses attaques contre l'Église, au cours de débats avec des théologiens et surtout par une série d'écrits pour lesquels il utilise de plus en plus souvent la langue allemande (À la noblesse chrétienne de la nation allemande, De la liberté du chrétien, 1520). Luther s'y adresse à tous les chrétiens de langue allemande et pas seulement aux clercs. Le message qu'il leur apporte s'articule autour de deux idées-forces : le salut par la foi seule et le sacerdoce universel des baptisés. La rupture avec Rome est consommée en 1521 : excommunié, Luther est mis au ban de l'Empire par la diète de Worms. Mais le mouvement ne peut plus être arrêté : cristallisant toutes les aspirations de l'époque, non seulement religieuses mais aussi nationales, politiques, sociales et économiques, il a le soutien de nombreux princes et municipalités, de la petite noblesse et du peuple. Dans le domaine religieux, il complète par la suite sa doctrine, institue les formes du nouveau culte et lui donne son texte de référence : la nouvelle traduction de la Bible (1522-1534). En même temps, il est obligé de répondre aux attaques de ses ennemis, de prendre ses distances à l'égard des humanistes (De servo arbitrio, 1525) et de combattre les excès et les déviations de ses prétendus partisans (iconoclastes, « enthousiastes »). Il condamne sans appel les soulèvements paysans de 1525 par un texte d'une rare violence, véritable appel au massacre (Contre les bandes pillardes et meurtrières des paysans). Luther se trouve ainsi amené à redéfinir les rapports entre le spirituel et le temporel et à préciser les nouveaux droits et devoirs de l'autorité civile (De l'autorité temporelle, 1523). Marié depuis 1525, établi à Wittenberg, il exerce vers la fin de sa vie un véritable magistère spirituel dans une grande partie de l'Allemagne.
Luther ne se voulait ni écrivain ni grammairien ; il a pourtant, dans l'histoire de la littérature et de la langue allemande, une place de premier plan, non seulement à cause des bouleversements que les idées de la Réforme ont apportés dans la vie intellectuelle et religieuse allemande, mais aussi par sa propre œuvre littéraire, abondante et variée, puisqu'on y trouve des poésies, des chants d'église sur des mélodies profanes et des fables imitées d'Ésope. Son rôle a été particulièrement important pour l'évolution de la langue : s'il n'est pas vraiment le « père de l'allemand moderne » comme on l'a volontiers affirmé, il n'en a pas moins fait progresser la « langue allemande commune » en train de se constituer à cette époque grâce aux chancelleries et aux progrès de l'imprimerie. Le souci d'être compris du plus grand nombre, la rage de convaincre et de convertir ont guidé Luther non seulement dans le choix du matériau linguistique, mais aussi dans son style : imagé, direct, populaire, violent dans l'invective, il était loin de la pédante lourdeur de l'allemand des humanistes. La traduction de la Bible par Luther, à laquelle il a consacré de nombreuses années et qu'il a corrigée jusqu'à la fin de ses jours, est le premier grand texte littéraire en allemand moderne et deviendra, par l'autorité et la diffusion qu'elle connaîtra, partie intégrante de la tradition littéraire de tous les Allemands.