Francis Jammes
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Poète et romancier français (Tournay, Hautes-Pyrénées, 1868 – Hasparren, Basses-Pyrénées, 1938).
En dehors de quelques brefs séjours à Paris, en Belgique, et d'un voyage en Algérie (1896), il ne quittera jamais la province où il naquit et fit ses études. L'œuvre de celui que l'on a appelé « le Douanier Rousseau de la poésie », écologiste avant la lettre, régionaliste sans revendications politiques, poète sans école et sans programme, se présente comme le produit d'une imagination spontanée, une transcription pure et simple de ses horizons personnels, bornés par les montagnes et libérés par l'infini des cieux qu'il entrevoit (« Toutes choses sont bonnes à décrire, lorsqu'elles sont naturelles »). Il se veut transparent et aspire à révéler par l'innocence de sa prosodie presque prosaïque et de son vocabulaire savamment élémentaire (le « vers délicieusement faux exprès », selon la formule de Verlaine), l'âme des simples, ouverte seulement aux beautés qui ne se raisonnent ni ne se discutent : il séduira le jeune Saint-John Perse, fascinera longtemps le jeune Mauriac, tandis que Gide retrouve son innocence dans ce cœur pur qu'horrifie le péché. Il est vrai, que, dès son premier recueil, De l'Angélus de l'aube à l'Angélus du soir (1898), il déconcerte par son refus des idées en cours et des snobismes (le Deuil des primevères, 1901 ; le Triomphe de la vie, 1902 ; l'Église habillée de feuilles, 1906). Évadé de son temps, il a du mal à s'insérer dans le nôtre avec ses jeunes filles attendries (Almaïde d'Étremont, 1911) et son attention franciscaine aux êtres et aux objets (le Roman du lièvre, 1903 ; Pomme d'anis, 1904). Converti au catholicisme par Claudel (1906), marié à Lourdes (1907), il ne change pas sa facture, mais son registre s'élargit : les Géorgiques chrétiennes (1911-1912), précédé d'un avant-propos en manière d'art poétique, est un poème lyrique en 7 chants, composé de distiques d'alexandrins à rimes plates ; la vision est à la fois champêtre et biblique, les anges, les paysans, les signes du zodiaque, les troupeaux, les religieuses, les mendiants exaltant d'un même mouvement la création et le Créateur. Suivent le Livre des quatrains (1923-1925) et Sources (1936). On a publié sa correspondance avec Colette (1945), Samain (1946), Valery Larbaud (1947), Gide (1948), Claudel (1952), Viélé-Griffin (1966).