Georges Feydeau
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Auteur dramatique français (Paris 1862 – Rueil 1921).
Avant de devenir le vaudevilliste favori de la scène française entre 1890 et 1914, le fils du romancier Ernest Feydeau dut transformer sa précoce passion pour le théâtre en métier. Ayant interrompu ses études pour fonder une compagnie d'amateurs (le Cercle des Castagnettes, 1876-1879), il connut d'aimables réussites mondaines comme acteur et surtout comme auteur de monologues (la Petite Révoltée, 1880 ; Un monsieur qui n'aime pas les monologues, 1882 ; le Potache, 1883 ; Billet de mille, 1885), tenant à l'occasion la régie d'un théâtre (la Renaissance, 1884-1886). Le succès sur les scènes parisiennes lui vint, timide d'abord, avec Tailleur pour dames (1887), puis éclatant grâce à Monsieur chasse (1892), Champignol malgré lui (1892). Dès lors, seul ou avec la collaboration de Desvallières ou de Maurice Hennequin (fils du vaudevilliste Alfred Hennequin, à qui Feydeau doit beaucoup), il connut un succès ininterrompu, à raison de trois ou quatre pièces par an : Un fil à la patte (1894), l'Hôtel du libre-échange (1894), le Dindon (1896), Dormez, je le veux (1897), la Dame de chez Maxim (1899), la Duchesse des Folies-Bergère (1902), la Puce à l'oreille (1907), Occupe-toi d'Amélie (1908). Dandy distant, noceur et noctambule, Feydeau est alors à son apogée ; il a, avec une science consommée de la mécanique du rire, pris le vaudeville où l'avait laissé Labiche pour le porter à une perfection inégalée dans de folles machines en trois actes, dont le mouvement ininterrompu et la suite invraisemblable des péripéties produisent le comique le plus délirant. Entraînés dans ces sarabandes méticuleusement réglées (Feydeau s'occupait lui-même de la mise en scène de ses pièces, comme en témoigne la précision de ses didascalies), la bourgeoisie fin de siècle et le demi-monde des boulevards, personnel dramatique privilégié du vaudeville, se trouvent éclairés d'un jour particulièrement satirique, comme c'est le cas dans l'inoubliable Dame de chez Maxim, véritable modèle du genre : la Môme Crevette, danseuse au Moulin-Rouge, bouleverse la vie du tranquille docteur Petypon ; surprise dans son lit, elle passe pour son épouse ; et de ce quiproquo initial naît une méprise généralisée où chacun doit jouer jusqu'au bout, sous peine de scandale, son rôle d'emprunt...
Dans la dernière phase de sa carrière, Feydeau rompt cependant avec les complications du vaudeville, pour se consacrer à des comédies de mœurs et des farces en un acte où transparaît l'amertume des ennuis conjugaux et des pesanteurs bourgeoises : Feu la mère de Madame, 1908 ; On purge bébé, 1910 ; Mais n'te promène donc pas toute nue, Léonie est en avance ou le Mal-Joli, 1911. Ayant ainsi retrouvé les voies d'une certaine comédie « littéraire », et ayant in extremis salué l'avènement d'un nouveau génie du rire (Chaplin), il mourut au terme de deux années de démence.
Délaissée durant l'entre-deux-guerres, son œuvre commence d'être réévaluée dans les années 1950, où l'on rapproche ses folles machines de certaines tentatives du théâtre de l'absurde, celles de Ionesco notamment. Considéré aujourd'hui comme un maître du rire dont les œuvres se prêtent à des explorations variées, il est joué très régulièrement sur les scènes de boulevard, comme à la Comédie-Française, ou sur les scènes du théâtre subventionné (G. Gélas monte Mais n'te promène donc pas toute nue au Théâtre du Chêne noir en 1997 ; A. Françon monte la Dame de chez Maxim au Théâtre des Amandiers en 1998).