Fernando Arrabal

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Écrivain et cinéaste espagnol d'expression espagnole et française (Melilla, Maroc, 1932).

Fils d'un officier de convictions républicaines qui meurt en prison en 1942, Arrabal connaît une enfance et une adolescence tourmentées qui donneront à son œuvre une dimension de révolte contre le pouvoir, la morale et l'Église. Ses premières pièces datent des années 1950 (Pique-nique en campagne, 1952 ; Tricycle, 1953, qui obtient l'année suivante le prix du Théâtre d'essai), mais son œuvre prend véritablement son essor à partir de son installation à Paris, en 1954. Il écrit désormais en français des pièces et des romans (Baal Babylone, 1959 ; l'Enterrement de la sardine, 1961). Son théâtre s'oriente, dans la lignée d'Artaud, vers une cérémonie cruelle, jouant de la réversibilité de la victime et du bourreau, de la perversion sexuelle, de la nécrophilie et du blasphème. À ces éléments de provocation Arrabal mêle une quête d'ordre mystique, visant l'épiphanie d'un sacré en définitive mal défini. Dès lors se déploie dans son œuvre une conscience à la fois tragique et bouffonne où le mauvais goût, voire le sordide, côtoient le sublime et le magique (le Grand Cérémonial, 1963 ; le Jardin des délices, 1967 ; Bestialité érotique 1968). L'imaginaire y est poussé jusqu'au délire, dans une inspiration surréaliste qui donne lieu à l'invention de formes baroques, déroutantes et surchargées. Cette écriture du jaillissement et de la profusion se veut néanmoins canalisée par un principe d'écriture rigoureux, inspiré de la science dans sa version rationnelle (les mathématiques) ou fictionnelle (le jeu d'échecs avec la Tour, prends garde, 1983, et plus globalement la science-fiction).

Cette abondante œuvre dramatique, délibérément provocatrice et répétitive, se donne pour projet d'accélérer la décomposition de la culture occidentale ; à ce titre, elle se dote d'une dimension idéologique et politique forte. L'allusion politique est perpétuellement contaminée par l'inspiration fantastique (le Cimetière des voitures, 1966 ; Et ils passèrent des menottes aux fleurs, 1969 ; Sur le fil, 1974 ; Jeunes Barbares d'aujourd'hui, 1975 ; la Cervelle du jaguar, 1978 ; l'Extravagante Croisade d'un castrat amoureux, 1989). Cette inspiration se déploie dans des formes théâtrales engagées (l'Aurore rouge et noire, 1968), mais aussi au cinéma (Viva la muerte, 1971 et J'irai comme un cheval fou, 1973) ainsi que dans des essais (Lettre au général Franco, 1972 ; Lettre à Fidel Castro, 1984). Au début des années 1960, Arrabal fonde le mouvement « Panique » avec la complicité de Roland Topor et d'Alejandro Jodorowski ; il revendique un art d'inspiration cannibale, où la dérision, poussée à l'excès, vise à secouer profondément le spectateur. Toutefois, l'œuvre d'Arrabal perd en spontanéité et en force dans les années 1970 ; le jaillissement de l'imaginaire, dans la lignée surréaliste, devient procédé outrancier et la violence se fait artificielle. En 1988, Arrabal crée la Traversée de l'empire au Théâtre national de la Colline à Paris, sans rencontrer de succès véritable.