Carlo Emilio Gadda
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain italien (Milan 1893 – Rome 1973)
Après des études d'électronique et l'expérience de la guerre, qu'il vit d'abord comme une aventure héroïque, il fait ses débuts littéraires en 1926 dans la revue d'avant-garde et la collection éponyme « Solaria » (la Madone des philosophes, 1931 ; le Château d'Udine, 1934). Il choisit ensuite de s'exiler devant le raidissement du fascisme. Il participe alors à un mouvement de résistance intellectuelle au sein de la revue Letteratura à Florence. Il exprime son refus du fascisme dans un essai d'interprétation psychanalytique de la tragi-comédie mussolinienne (Éros et Priape, 1967). Après la guerre, il se consacre à la récupération stylistique de son œuvre antérieure (l'Adalgisa, 1944 ; Nouvelles du duché en flammes, 1953) et à la rédaction d'une somme romanesque et esthétique (l'Affreux Pastis de la rue des Merles, 1957) qui unit, sur le mode parodique, toutes les influences littéraires, de la farce médiévale aux structures labyrinthiques de Joyce. La violence qu'il impose au langage est l'écho d'une violence subie, une réponse à la « difformité spirituelle » infligée à l'écrivain par l'expérience traumatique qu'atteste son tout premier texte, composé à partir de 1915 (Journal de guerre et de prison, 1955). Face à une société qui n'a pas attendu la montée du fascisme pour être la contradiction vivante des idéaux auxquels elle sacrifie sa jeunesse, la caricature et l'autocaricature sont les seules voies ouvertes à une écriture qui se veut « instrument absolu du rachat et de la vengeance ». La « rage » de Gadda confine ainsi au masochisme dans la satire des mythes de la bourgeoisie lombarde dont s'est nourrie la culture de son adolescence (Saint Georges chez la famille Brocchi, 1930 ; les Rêves et la foudre, 1955). Sous l'humour et la virtuosité perce la Connaissance de la douleur (1938-1963), qui donne à cette œuvre son acuité et sa gravité. Après la mort de Gadda ont paru de très nombreux inédits, récits, nouvelles, essais (Méditation milanaise, 1972 ; Cahier d'études, 1983 ; Carnet de Caporetto, 1991), ainsi que l'amorce d'une abondante correspondance (Lettres à une dame gentille, 1983).