Cao Xueqin
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain chinois (Nankin, 1715 ? – Pékin, 12 février 1763).
De son vrai nom Cao Zhan, il descend d'une famille Han qui fut au service des Mandchous jusqu'en 1627, avant d'être ruinée. Adulte, Cao Xueqin vécut à Pékin et connut la misère jusqu'à sa mort, ne devant sa subsistance qu'à ses qualités de peintre et de poète. Dix ans durant, s'y reprenant à cinq fois, il se consacra à son œuvre unique, le Rêve dans le pavillon rouge, qu'il laissa inachevé. Également intitulé Mémoires d'une pierre, ce roman circula de son vivant sous forme de manuscrits qui reçurent les commentaires d'un proche parent, intitulé Zhiyanzhai, « Pierre à encre vermillon ». Sa première édition typographique date de 1791. Elle propose le texte en 120 chapitres, dont les 40 derniers, qui en infléchissent le propos en lui donnant une fin moins tragique que celle imaginée par Cao, sont attribués à Gao E (1763-1815). À la fois saga familiale défiant toute tentative de résumé, récit encyclopédique peignant avec une vivacité et une justesse de ton rares, la société chinoise dans son ensemble et décrivant avec un luxe de détail les coutumes d'une époque, le Rêve est unanimement considéré comme le plus grand roman chinois. C'est assurément lui qui a définitivement hissé la langue vulgaire (baihua) au rang de langue littéraire. L'œuvre dans laquelle on peut lire aussi une satire séditieuse du pouvoir mandchou régnant est surtout une fresque romanesque prenante. Quelles que soient ses attentes, le lecteur reste fasciné par la multiplicité des personnages, la vivacité des dialogues, la profusion des descriptions et l'enchevêtrement des intrigues qui s'organisent autour du destin amoureux d'une poignée de personnages centraux émergeant avec une force évocatrice irrésistible. C'est avant tout le personnage de Jia Baoyu qui ressort. Cet adolescent prodige, aussi peu enclin à devenir fonctionnaire comme ses ancêtres qu'à imiter ses aînés en se livrant à la débauche, il préfère partager l'intimité oisive des jeunes filles, sœurs, cousines, servantes de la maison, évoluant dans le monde clos et apparemment paradisiaque du « Parc aux sites grandioses ». Amoureux fou de sa maladive cousine Lin Daiyu, qui meurt de désespoir, il est contraint d'épouser Xue Baochai, une autre cousine, avant de décider de se faire moine quand il prend conscience de la vacuité des choses terrestres. Le plus étudié des romans chinois reste le modèle encore jamais égalé du roman-fleuve à la chinoise. Son message fondamental en faveur de la liberté de chacun à choisir son destin, et surtout de l'égalité entre les sexes, lui confère une portée universelle.