Arthur Adamov
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Auteur dramatique et traducteur français (Kislovodsk, Caucase, 1908 – Paris 1970).
Malgré son activité théâtrale et son engagement politique, Adamov est resté jusqu'au bout un étranger dans le monde, d'où il fait brutalement sécession en se suicidant en 1970. Issu d'une famille fortunée du Caucase (elle exploitait des puits de pétrole à Bakou), d'origine arménienne, ruinée et expropriée en 1917, il connaît l'amertume d'un exil précoce, et des années de misère en Suisse, en Allemagne puis en France, tandis que sa famille se défait tragiquement. À Paris, il fréquente le milieu des surréalistes et se lie à Antonin Artaud. Sur cette période, marquée par une souffrance existentielle terrible, et l'épreuve de l'internement dans les camps d'Argelès et de Rivesaltes, Adamov composera l'Aveu (textes écrits entre 1938 et 1943, publiés en 1946 ; reniés puis repris en 1969, sous le titre Je, Ils...), sous influence de Jung et de Kafka, où il évoque de manière poignante sa névrose et son impuissance sexuelle ; il y témoigne également de son inquiétude face à la nuit qui s'est abattue sur le monde, d'une perte irrémédiable du sacré, et de l'abandon de sa confiance dans un langage qu'il juge dégradé. Après la guerre, et sous l'influence d'Artaud (par qui il a découvert Strindberg), il se tourne vers le théâtre, pour y exorciser ses répulsions, ses angoisses, et les effets dévastateurs de la guerre. Participant au renouveau théâtral de ces années (Vilar, Serreau, Planchon monteront ses pièces), à l'instar de Beckett et de Ionesco, il remet en cause de manière radicale les catégories dramatiques traditionnelles (intrigue, personnages, psychologie), au profit d'un théâtre abstrait, allégorique et onirique, fait de violence (obsession de la persécution) et de désespoir métaphysique : la Parodie (1947) ; l'Invasion (1950) ; le Sens de la marche (1953) ; la Grande et la Petite Manœuvre ; Tous contre tous ; le Professeur Taranne (1953), Comme nous avons été. Au cours des années 1950, sous l'influence de Brecht, Adamov évolue vers un théâtre plus ouvertement politique, cherchant à rendre compte des mécanismes d'aliénation socio-économiques : Ping-pong, en 1955, joue sur l'obsession générée dans un café par une machine à sous, et le désir des personnages d'être employés par le « Consortium » ; Paolo-Paoli, en 1957, explore les faux-semblants de la mal nommée « Belle-époque » en évoquant les rivalités dérisoires d'un industriel spécialisé dans la « plume » et d'un négociant de papillons exotiques ; Printemps 71 (1961) compose une fresque ambitieuse sur la Commune de Paris ; la Politique des restes (1968) aborde l'injustice raciale aux États-Unis. Adamov attribue ainsi au théâtre un double objectif : montrer les maux « curables » de la société (domaine de la comédie) et les maux « incurables » de l'individu (territoire de la tragédie). Mais la fascination d'un monde clos et déchiré fait craquer de toutes parts cette utopie communautaire (Off Limits, 1969), éclatement que ressasse l'œuvre critique et autobiographique (Ici et maintenant, 1964 ; l'Homme et l'Enfant, 1968). Maniant le russe et l'allemand, Adamov publia également de nombreuses traductions et adaptations : Gogol (le Revizor, 1958 ; ainsi que les récits) ; Dostoïevski (Crime et Châtiment) ; Gorki (la Mère, les Ennemis, les Petits Bourgeois) ; Tchekhov (l'Esprit des bois ; et les grandes pièces) ; Strindberg (le Pélican, 1956 ; Père, 1958) ; Kleist (la Ruche cassée) ; Büchner (traduction de son Théâtre complet en collaboration avec Marthe Robert), Kleist, Kafka, Max Frisch, Piscator (le Théâtre politique), Jung, Rilke.