Akutagawa Ryunosuke
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».
Écrivain japonais (Tokyo 1892 – id. 1927).
Grande figure de la littérature japonaise moderne, qui marqua vivement ses contemporains comme les générations à venir, il manifesta des signes précoces d'intelligence dès son plus jeune âge. Par suite du délire mental de sa mère, peu après sa naissance, son père, Niibara Toshizo, le confia à son oncle maternel, Akutagawa Michiaki, qui l'adopta officiellement en 1904. Au sein de cette nouvelle famille profondément attachée aux arts traditionnels, il acquit sur la culture du Japon et de la Chine ancienne des connaissances exceptionnellement vastes. Pendant sa propédeutique, il fut également familier des auteurs occidentaux tels que Maupassant, Anatole France, Ibsen, Baudelaire et Strindberg. Un court récit, le Nez, remarqué par Natsume Soseki, le fait connaître en 1916, alors qu'il est encore étudiant en littérature anglaise à l'Université impériale de Tokyo. Le recueil Histoires qui sont maintenant du passé, dont il tire la Porte Rasho (Rashomon, 1915), apparaît comme le modèle de ses huit premières années de création au cours desquelles il produit essentiellement de brefs récits « historiques », univers clos débouchant sur l'étrange, voire le fantastique : Gruau d'ignames (1916) ; les Portes de l'enfer (1918) ; Lande morte (1918), avec le personnage de Basho ; et Dans le fourré (1922), dont Kurosawa Akira fit un film primé à Venise en 1951, sous le nom de Rashomon. À partir de 1918, année de son mariage, suivi par le contrat de publication avec le journal Osaka Mainichi Shinbun, dont il devient collaborateur exclusif, les années fertiles de production littéraire se suivent. Il s'inspire aussi de récits chrétiens japonais du xviie s. dans une série de romans, comme le Diable et le Tabac (1916), le Martyr (1918), la Vie de saint Christophe (1919). Il poursuit ses réflexions sur le christianisme dans les Sourires des dieux (1922), et enfin son œuvre posthume l'Homme de l'Occident (1927). À partir de les Mandarines (1919) et l'Autome (1920), il abandonne progressivement le recours au passé : sans cesser d'écrire de pures fictions comme le Truck (1922), récit destiné aux enfants, ou les Kappa (1927), il puise de plus en plus dans sa vie personnelle. Malade, atteint de neurasthénie qui s'aggrave depuis 1922, il écrit Extraits du carnet de notes de Yasukichi (1923), les aphorismes regroupés sous le titre Paroles d'un nain (1923-1925), À mi-chemin de la vie de Shinsuke Daidoji (1925), où il évoque son enfance, Villa Genkaku (1927), où plane l'ombre de la mort, et Engrenage (1927), poignants paysages psychologiques extrêmement lucides d'un abandon sans salut. Son style s'épure dans Bord de mer (1925) et Mirage (1927), et plus parfaitement encore dans la Vie d'un idiot (1927), œuvre posthume autobiographique en forme d'une lettre testament. Il se donna la mort le 24 juillet 1927.
Son nom a été donné à un prix littéraire fondé en 1934 (avec le prix Naoki Sanjugo) par Kikuchi Kan, en hommage aux deux écrivains disparus (Akutagawa en 1927, Naoki en 1934). Il est décerné deux fois par an à de jeunes romanciers par un jury essentiellement composé d'écrivains. Considéré comme l'une des récompenses les plus significatives, il a couronné, entre autres, Ishikawa Jun (1936), Yoshiyuki Junnosuke (1954), Endo Shusaku (1955), Oe Kenzaburo (1958), Inoue Yasushi (1959), Murakami Ryu (1976).