les Proscrits

Berg Ejvind och hans hustru

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Drame de Victor Sjöström, avec Victor Sjöström (Berg Ejvind), Edith Erastoff (Halla), John Ekman (Arnes), Nils Arehn (Björn).

  • Scénario : Victor Sjöström, Sam Ask, d'après une pièce de Johann Sigurjonsson
  • Photographie : Julius Jaenzon
  • Décor : Axel Esbensen
  • Production : Svenska Biografteatern
  • Pays : Suède
  • Date de sortie : 1917
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 2 781 m (environ 1 h 43)

Résumé

L'action se situe en Islande, au milieu du xixe siècle. Le berger Arnes présente l'athlétique vagabond Kari à sa patronne, la riche veuve Halla, qui l'engage et fait de lui son amant. Björn, le beau-frère de Halla, est jaloux de Kari et dénonce en lui un forçat évadé, Berg Ejvind. Dans un flash-back, Kari explique à Halla qu'en effet il a volé pour nourrir sa famille, a été condamné au bagne et s'est évadé. Pour échapper à Björn, Berg Ejvind et Halla s'enfuient dans la montagne, où ils sont rejoints par Arnes. Leur existence d'abord idyllique est gâtée par la rivalité des deux hommes, la mort de la petite fille qu'a eue Halla, les poursuivants venus de la plaine qui forcent les proscrits à chercher refuge dans une nature de plus en plus hostile. Chez le couple, l'amour a fait place à la haine. Dans la tempête de neige, Halla quitte leur cabane pour mourir, Berg Ejvind la rejoint et les amants sont réunis dans la mort.

Commentaire

Une œuvre totale

L'école suédoise du cinéma muet fut quelque temps la plus belle du monde. Sans doute devait-elle cette prééminence à la rencontre de deux facteurs : toute la culture scandinave de l'époque 1900 avait témoigné d'une vie intense et d'une capacité à se faire reconnaître, théâtre, littérature, peinture, musique, dans l'Europe entière ; la personnalité hors pair de Victor Sjöström, acteur et metteur en scène, prêta à ce cinéma non seulement sa silhouette puissante, mais l'humanité profonde d'un visage tour à tour tendre, rieur ou tragique, non seulement le respect scrupuleux de l'adaptateur (il « traduit » ici un drame de l'Islandais Sigurjonsson), mais le génie d'un poète à la fois dramatique, lyrique et épique, qui d'un paysage de montagne et de neige fait, selon le mot de Louis Delluc, « un troisième interprète, singulièrement éloquent ». Seuls certains films de Stroheim, comme Maris aveugles ou les Rapaces, donnent une impression aussi physique de réalité. Doté du même sens de conteur que Griffith, c'est en virtuose que Sjöström organise les masses de son récit, par exemple les retours en arrière qui font contraster les moments édéniques qu'ont vécus les proscrits avec leur vieillesse haineuse, mais il est dégagé des contingences idéologiques qui bornent l'Américain. Il conclut par une coda tragique, néanmoins amoureuse et grandiose. Sur pellicule teintée et avec sa partition musicale (des thèmes de Sibelius accompagnaient la projection originale), le film devient l'œuvre totale rêvée par Wagner, synthèse des qualités les plus éminentes que sont susceptibles d'offrir les arts pratiqués par Ibsen et Bjørnson, par Selma Lagerlöf, par Munch et par Carl Nielsen.

  • 1917 Les Proscrits, film de V. Sjöström.