les Dames du bois de Boulogne
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Drame de Robert Bresson, avec Paul Bernard (Jean), Maria Casarès (Hélène), Élina Labourdette (Agnès), Lucienne Bogaert (Mme D.), Jean Marchat (Jacques), Yvette Etiévant (la femme de chambre).
- Scénario : Robert Bresson
- Photographie : Philippe Agostini
- Décor : Max Douy
- Musique : Jean-Jacques Grunenwald
- Montage : Jean Feyte
- Production : Raoul Ploquin
- Pays : France
- Date de sortie : 1945
- Son : noir et blanc
- Durée : 1 h 23
Résumé
Hélène, une jeune veuve, a l'impression que son amant, Jean, lui échappe. Pour s'en assurer, elle prétend un jour qu'elle ne l'aime plus. Jean, soulagé, lui avoue qu'il en est de même pour lui… Blessée par cet aveu, Hélène décide de se venger. Ayant fait la connaissance d'Agnès, la fille d'une ancienne relation mondaine, Mme D., elle la prend sous sa protection et s'arrange pour lui faire rencontrer Jean. Celui-ci, dans l'ignorance de la conduite douteuse de la jeune femme, en tombe amoureux.
Commentaire
Le fondement d'une esthétique originale
Adaptation de l'histoire de Mme de la Pommeraye, racontée par Diderot dans Jacques le Fataliste, ce film fut, à sa sortie, un échec retentissant. Dans le climat de l'après-Libération, le public accepta mal ce drame de la bourgeoisie. Mais, surtout, la critique reprocha à Cocteau d'avoir voulu transposer à notre époque une anecdote sociologiquement datée, dans laquelle la vengeance paraissait bien dérisoire. « Cela se passe aujourd'hui, mais pas en 1944 », a-t-on pu dire.
Bresson lui-même, emboîtant le pas de ses détracteurs, est allé jusqu'à renier ce film. Pourtant, dans cette atemporalité, dans ce décalage entre l'intrigue du film et les conventions d'une époque qui lui a donné le jour, comment ne pas reconnaître les fondements d'une esthétique bressonienne ?
Dans les Dames du bois de Boulogne, il ne reste pas grand-chose du roman de Diderot, contrairement à ce que dit Bazin : rien des sautes du récit, de ses interruptions, de ses tours et de ses détours. En revanche, c'est sans difficulté que le spectateur d'aujourd'hui y retrouvera les germes des œuvres ultérieures de Bresson : cette primauté des sons sur les images (« Lorsqu'un son peut remplacer une image, supprimer l'image ou la neutraliser », dit le cinéaste), cet art de l'ellipse, ce jeu détaché des acteurs qui sonne toujours avec la même étrangeté.