le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Comédie dramatique de Jean-Pierre Jeunet, avec Audrey Tautou (Amélie), Mathieu Kassovitz (Nino Quincampoix), Rufus (le père d'Amélie), Lorella Cravotta (la mère d'Amélie), Yolande Moreau (la concierge), Artus de Penguern (Hipolito), Urbain Cancellier (l'épicier), Dominique Pinon (Joseph), Maurice Bénichou (l'homme à la boîte), Claude Perron (la strip-teaseuse), Michel Robin (le père Collignon), Isabelle Nanty (Georgette), Claire Maurier (Suzanne), Serge Merlin (l'homme de verre), Jamel Debbouze (Lucien).

  • Scénario : Guillaume Laurent et J.-P. Jeunet
  • Photographie : Bruno Delbonnel
  • Décor : Aline Bonetto
  • Musique : Yann Tiersen
  • Montage : Hervé Schneid
  • Pays : France
  • Date de sortie : 2001
  • Son : couleurs
  • Durée : 2 h
  • Prix : Césardu meilleur film et de la meilleure musique

Résumé

Une jeune fille de vingt deux ans, Amélie Poulain, dont la mère est morte tragiquement et dont le père est devenu indifférent à tout ce qui peut arriver à sa fille , devient serveuse dans un café de Montmartre. Elle découvre un beau jour que sa vraie vocation est de faire le bonheur des gens… et des niches aux méchants pour les corriger un peu.

Commentaire

On connaissait Jeunet avec Caro et cela avait donné des réussites comme Delicatessen et la Cité des enfants perdus, on avait connu Jeunet sans Caro mais tenu par le corset américain (Alien IV), qu'allait devenir Jeunet tout seul et en liberté ? Le résultat est époustouflant avec ce film bourré d'imagination, de sensibilité et de poésie. Un champagne délicieux fait de mille petites bulles irisées et brillantes.

La magie du film tient d'abord à son apparence de réalisme minutieux. Un quartier de Paris identifié, un bistro comme il en existe des centaines, une épicerie, une gare, des jardins, des photomatons, un sex-shop, la Foire du Trône… Les personnages sont tout aussi ordinaires : des serveuses, un épicier et son commis, un retraité bougon, une concierge, des employés et des sans-emploi. Mais bien vite on s'aperçoit qu'il s'agit d'un réel décanté, transfiguré par la poésie. Il n'y a pas de voitures, pas de problèmes d'argent ou d'insécurité et les personnages ont presque tous gardé un cœur d'enfant, avec un grain de folie en plus : l'un n'arrête pas de repeindre le même tableau de Renoir, l'autre ne s'intéresse qu'à son nain de jardin…

Tout cela renvoie le spectateur à la vie rêvée, véritable point d'ancrage du film et principale raison de son étonnant succès. Le Paris mythique est celui dont on aimerait croire qu'il a existé, l'enfant qui sommeille en nous se réveille et l'on rêve de l'adulte que l'on aurait été si le monde avait été moins dur et les gens moins méchants.

Jamais pourtant le film ne tombe dans l'irénisme, car si le fond est fait de bons sentiments (pourquoi pas, après tout ?), le ton est enlevé, souvent caustique et toujours original. Comme Prévert ou Queneau, Jean-Pierre Jeunet réussit à rendre insolites et piquantes des idées qui, traitées par d'autres, paraîtraient banales ou mièvres. Grâce au miracle de son regard poétique sur les gens, il nous impose le regret d'un monde qui aurait pu exister ou, plus insidieusement, la lecture « gentille » du monde tel qu'il est.