le Chanteur de jazz
The Jazz Singer
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Mélodrame musical d'Alan Crosland, avec Al Jolson (Jack Robin), May McAvoy (Mary Dale), Warner Oland (le vieux cantor Rabinowitz), Eugenie Besserer (Sara Rabinowitz), Otto Lederer (Moisha Yudelson).
- Scénario : Alfred A. Cohn, d'après l'histoire et la pièce de Samson Raphaelson The Day of Atonement
- Photographie : Hal Mohr
- Musique : Sigmund Romberg et chants hébraïques
- Montage : Harold McLord
- Production : Warner Bros
- Pays : États-Unis
- Date de sortie : 1927
- Son : noir et blanc
- Durée : environ 2 700 m (1 h 30)
Résumé
Un vieux chantre juif dans une synagogue (Rabinowitz) espère voir son fils lui succéder. Mais le jeune Jackie préfère courir les bars à la mode et chanter du jazz. Chassé du toit paternel, il commence une brillante carrière de chanteur profane, maquillé en Noir. Il est remarqué par une actrice (Mary Dale) qui se propose de l'aider dans sa carrière. Grâce à elle, il devient une vedette sous le nom de Jack Robin. Son père tombe malade. À l'appel de la mère, le fils accourt pour lui demander pardon. Jackie apaise les derniers instants de son père en chantant à sa place à la synagogue le « Kol Nidre ». Sa passion pour le music-hall sera la plus forte : il remonte sur les planches où il remporte un triomphe. Il dédie à sa mère la chanson Mammy.
Commentaire
À la charnière du muet et du parlant
Le Chanteur de jazz, adapté d'une pièce de théâtre qui oppose le folklore yiddish à la musique moderne et profane représentée par le jazz, obtint un succès phénoménal lors de son exploitation en octobre 1927 aux États-Unis. Il marque le triomphe du film sonore, chantant et parlant, bien que les dialogues synchrones y soient réduits à deux minutes et que le film comporte encore de très nombreux intertitres écrits.
La pièce eut elle-même un très gros succès en 1925. Elle reprend un thème très voisin, développé dans un film allemand de 1923 réalisé par Ewald A. Dupont, Das alte Gesetz, connu sous le titre de Baruch.
L'acteur qui incarnait le rôle au théâtre refusa de le faire pour le film et la Warner fit appel à Al Jolson, dynamique acteur et animateur des spectacles de Broadway alors très célèbre. Al Jolson, lui-même juif, était concerné par le rôle du jeune Jack Robin. Mais il devait initialement se contenter de chanter cinq chansons et des chants religieux, et éviter le langage parlé, à l'exception d'une incise en début de numéro : « Attendez un peu, vous n'avez encore rien entendu ! » (« You ain't heard nothin'yet ! »), réplique demeurée fort célèbre puisqu'elle inaugure véritablement le parlant. C'est au cours d'une chanson accompagnée au piano, Blue Skies, thème célèbre d'Irving Berlin, que l'acteur, tout à coup s'adressant à sa mère, improvise un véritable dialogue pendant 1 minute 20 secondes : « Ça t'a plu, maman ? Oui. J'en suis ravi, car plus qu'à n'importe qui, c'est à toi que j'aime faire plaisir… » La mère ne répond que par monosyllabes et reste enfermée dans l'univers de la représentation aphone, celle du cinéma muet. La spontanéité pathétique et quotidienne eut un effet de conviction décisif sur le public, subjugué par ce dialogue de piété filiale.
Paradoxalement, Warner utilise dans ce film le procédé Vitaphone, fondé sur le synchronisme avec disques, qui va rapidement disparaître au profit du son optique (procédés Fox Movietone, Western Electric, etc.).