le Carrosse d'or
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Comédie de Jean Renoir, avec Anna Magnani (Camilla), Duncan Lamont (Ferdinand, le vice-roi), Odoardo Spadaro (Don Antonio), Riccardo Rioli (Ramon, le toréador), Paul Campbell (Felipe), George Higgins (Martinez), Jean Debucourt (l'évêque).
- Scénario : Jean Renoir, Renzo Avanzo, Giulio Macchi, Jack Kirkland, Ginette Doynel, d'après la pièce de Prosper Mérimée le Carrosse du saint sacrement
- Photographie : Claude Renoir
- Décor : Mario Chiari
- Musique : Vivaldi, Corelli, O. Metra
- Montage : David Hawkins, Mario Serandrei
- Production : Panaria Film et Hoche Productions
- Pays : Italie et France
- Date de sortie : 1953
- Son : couleurs
- Durée : 1 h 40
Résumé
Au tout début du xviiie siècle, une troupe de comédiens ambulants, la fameuse « Commedia dell'arte » venue d'Italie, arrive au Pérou, pays réputé riche et où l'on peut faire fortune. C'est une communauté joyeuse et bruyante, animée par une maîtresse femme, Camilla, qui joue le personnage de Colombine à la scène. Camilla est une force de la nature et un tempérament généreux. Elle a un soupirant, Felipe, son compagnon de voyage, mais ne tarde pas à conquérir les cœurs du toréador local, Ramon, et du vice-roi lui-même, Ferdinand. Ce succès dérange l'ordre social et agace la cour qui essaie de discréditer l'intruse et sa troupe de théâtreux. Le vice-roi, monarque frivole, aimable et fastueux, fait don à Camilla du superbe carrosse d'or qu'il a acheté en Europe et qui fait l'orgueil de la cour. Scandale. Pour sortir d'une situation embarrassante et dans l'incapacité de choisir entre ses trois galants, Camilla les renvoie dos à dos, et offre son beau carrosse à l'Église. Il servira désormais à porter le saint sacrement aux malades. Ayant résolu ces problèmes, Camilla se consacre totalement à son art : le théâtre.
Commentaire
La musique de la couleur
Cette comédie satirique vient dans la filmographie de Jean Renoir après le Fleuve, considéré alors comme une plongée définitive dans la gravité, et même comme une sorte de testament spirituel et esthétique. Mais après la méditation au bord du long fleuve tranquille, symbole de la vie, Jean Renoir s'est ébroué dans les rires et sourires d'une fantaisie ultracolorée. Le Carrosse d'or est, en effet, avant toute chose, une fête de la couleur. Elle chante. Elle exprime, mieux que les situations et le dialogue « de théâtre », la force et la joie, la malice et le désarroi, la générosité (couleurs flamboyantes) et les ridicules (couleurs pâles, pastel) des personnages. Elle n'est pas seulement symbolique, elle est belle, gratifiante, euphorisante. La musique de Vivaldi et Corelli a à peu près la même fonction. Renoir, ici, sacrifie le réalisme à l'art. C'est d'ailleurs la morale du propos. Camilla hésite entre son amour (ses amours) et son métier. Elle choisit finalement la scène, non sans avoir déclaré qu'il est impossible de savoir où s'arrête le théâtre et où commence la vie. Renoir se divertit et nous divertit (la satire est drôle, mais jamais vraiment méchante). Et puis, il semble vouloir arrêter le mouvement : le divertissement débouche sur une méditation essentielle qui semble le surprendre.