Underground
Underground
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Fresque d'Emir Kusturica, avec Miki Manojlović (Marko), Lazar Ristovski (Blacky), Mirjana Joković (Natalija), Slavoko Stimać (Ivan).
- Scénario : Dušan Kovacević, Emir Kusturica
- Photographie : Vilko Filac
- Décor : Miljen Kljaković « Kreka »
- Musique : Goran Bregović
- Costumes : Nebojsa Lipanović
- Montage : Branka Ceperac
- Pays : France, Allemagne et Hongrie
- Date de sortie : 1995
- Son : couleurs
- Durée : 2 h 47
- Prix : Palme d'or, Cannes 1995
Résumé
Dès les premières bombes allemandes sur Belgrade, Marko se lance dans une série de trafics lucratifs. Pour disposer d'armes et d'objets à vendre, il installe dans une cave un groupe de réfugiés qui travaillent pour lui. Après la défaite allemande et l'arrivé des communistes, Marko fait croire à ces travailleurs souterrains que la guerre continue. Le mythe de la caverne de Platon, version yougoslave : la guerre et la dictature vues d'en bas.
Commentaire
Après avoir été couronné à Cannes, Underground a été victime d'un mauvais procès instruit par des procureurs qui se flattaient de n'avoir pas vu le film et qui reprochaient essentiellement à Kusturica d'avoir tourné son film à Belgrade et le soupçonnaient de servir la propagande serbe en raison de son origine ethnique : Serbe de Bosnie. Difficile pourtant de voir dans cette allégorie baroque l'apologie des positions serbes. Tout au plus peut-on y trouver le regret que la Yougoslavie ne soit plus un État fédéral où coexistent pacifiquement des gens de religions et de langues différentes – ce qui n'est pas un point de vue véritablement scandaleux. Mais, de toute façon, l'essentiel du propos de Kusturica n'est pas là : dénonçant la guerre et l'imposture de l'idéologie, il transforme la narration d'un conflit particulier en apothéose crépusculaire qui nous renvoie à l'absurdité d'une Histoire où les hommes s'entre-tuent pour des raisons dérisoires et où les martyrs d'aujourd'hui font souvent le lit des profiteurs et des oppresseurs de demain. Une vision désespérée de l'Histoire, exprimée en des images magnifiques où éclate une prodigieuse imagination qui donne bien pâle figure à ces films naturalistes « où l'on passe son temps à ouvrir et fermer des portes » si vigoureusement stigmatisés par Kusturica.