Rashōmon
Rashōmon
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Drame d'Akira Kurosawa, avec Toshiro Mifune (Tajomaru, le bandit), Takashi Shimura (le bûcheron), Masayuki Mori (Tashehiro, le samouraï), Machiko Kyo (Masago, la femme), Daisuke Kato (le policier), Fumiko Homna (la sorcière).
- Scénario : Shinobu Hashimoto, Akira Kurosawa, d'après deux nouvelles d'Akutagawa Ryūnosuke
- Photographie : Kazuo Miyagawa
- Décor : So Matsuyama
- Musique : Fumio Hayasaka
- Montage : A. Kurosawa
- Production : Daiei
- Pays : Japon
- Date de sortie : 1950
- Son : noir et blanc
- Durée : 1 h 28
- Prix : Lion d'or, Venise 1951 ; Oscar du meilleur film étranger 1951
Résumé
Trois hommes – un bonze, un bûcheron, un domestique – s'abritent d'une pluie torrentielle sous le portique d'un temple abandonné, « Rashōmon » (la porte des Démons). Ils évoquent un fait divers récent qui a donné lieu à un procès : un samouraï et son épouse, traversant la forêt, auraient été agressés par un bandit, lequel aurait tué l'homme et violé la femme. Quatre témoignages, partant de ces faits, en donnent des récits divergents. On ne sait donc pas, et on ne saura probablement jamais, si la femme était une victime, une proie consentante ou une complice du brigand ; si le mari a été assassiné, a fui lâchement ou s'est donné la mort. Le bonze est atterré devant les péchés de l'humanité, le domestique prend le parti d'en ricaner, le bûcheron, homme simple, sauvera l'honneur en recueillant un bébé abandonné dans les ruines du temple.
Commentaire
Une beauté formelle stupéfiante
Ce film a d'abord valeur historique : il a révélé au monde (via le festival de Venise qui lui a attribué sa récompense suprême) l'existence et l'excellence du cinéma japonais. Le cinéaste Akira Kurosawa devait nous donner, au cours des années qui ont suivi, la confirmation de son génie : les Sept Samouraïs, Vivre, Barberousse, Dersou Ouzala, Kagemusha, Ran, etc.
Dans un premier temps, on a dit que l'effet de surprise et l'exotisme ont fait le succès de Rashōmon, on a même dit qu'il s'agissait de folklore frelaté, destiné aux marchés d'exportation ! On a critiqué, entre autres choses, la musique du film dont le rythme lancinant évoque celui du fameux Boléro de Ravel. Ces réticences émanant d'observateurs trop pointilleux n'ont pas résisté au temps. Rashōmon est une œuvre admirable, d'une beauté formelle stupéfiante, émaillée de morceaux de bravoure aussi remarquables techniquement qu'esthétiquement (notamment un très long travelling d'accompagnement qui photographie la forêt, avec une succession d'ombres mouvantes et de lumières éblouissantes d'un effet quasiment surréaliste). Tout aussi surprenantes sont les attitudes et postures des comédiens : une théâtralité sculpturale issue de la tradition des arts de représentation japonais. Enfin et surtout, Rashōmon est une méditation sur la fragilité et le parti pris des témoignages humains, sur la puissance du Mal et sur la rédemption possible, par les simples, de l'horreur de notre vallée de larmes, de vices et d'égoïsmes. Ce film complexe, original, touffu mais maîtrisé, nous élève du policier au judiciaire, du judiciaire au moral, du moral au spirituel.