L'avventura
L'avventura
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Drame psychologique de Michelangelo Antonioni, avec Monica Vitti (Claudia), Gabriele Ferzetti (Sandro), Lea Massari (Anna), Dominique Blanchar (Giulia), Renzo Ricci (le père d'Anna), James Addams (Corrado), Dorothy De Poliolo (Gloria Perkins), Lelio Luttazzi (Raimondo), Esmeralda Ruspoli (Patrizia), Angelo Tomasi di Lampedusa (dans son propre rôle).
- Scénario : Michelangelo Antonioni, Elio Bartolini, Tonino Guerra
- Photographie : Aldo Scavarda
- Décor : Piero Poletto
- Musique : Giovanni Fusco
- Production : Cino Del Duca, Société Cinématographique Lyre
- Pays : Italie
- Date de sortie : 1960
- Son : noir et blanc
- Durée : 2 h 17
- Prix : Prix spécial du jury, Cannes 1960
Résumé
Fille d'un ambassadeur, Anna retrouve à Rome son fiancé, Sandro, architecte mondain et volage. Anna retrouve aussi son amie Claudia. Tous les trois partent en croisière aux îles Éoliennes, avec deux autres couples, oisifs et superficiels. Au cours d'une escale, Anna et Sandro se disputent violemment et Anna disparaît. Les recherches sur cette île déserte, rendues difficiles par la tempête, ne donnent rien. Sandro et Claudia décident de continuer sur le continent, en suivant une piste donnée par la police. Peu à peu, ils se sentent attirés l'un vers l'autre ; Sandro propose à Claudia de l'épouser. Ils se retrouvent dans un hôtel, à Taormina. Claudia, fatiguée, se couche tout de suite, tandis que Sandro rejoint une faune de riches touristes. Se réveillant au milieu de la nuit, Claudia va à la recherche de Sandro. Elle le retrouve dans les bras d'une prostituée. À l'aube, Sandro, en larmes, vient rejoindre Claudia. Elle s'approche de lui et lui passe la main dans les cheveux.
Commentaire
La dérive des cœurs et des corps
Projeté à Cannes en 1960, l'Avventura, quatrième long métrage d'Antonioni, est l'objet d'une bataille homérique. Sifflé par le public, il est soutenu par les critiques et obtient finalement le Prix spécial du jury. Ce qui déroute, alors, dans l'Avventura, c'est la structure de son récit, qui tourne le dos à toute la tradition romanesque, à la psychologie traditionnelle ; le terrain de prédilection d'Antonioni, ce sont les temps morts, les pauses, les interstices. Il est le cinéaste des attitudes, des gestes, des regards, révélateurs impitoyables de ces minuscules éboulements qui, peu à peu, viennent à bout de toutes les raisons de vivre, d'aimer ou de mourir. L'Avventura prend, au départ, des allures de film policier (la disparition subite d'Anna, les recherches de la police), mais c'est précisément pour mieux pervertir cette pseudo-intrigue : Antonioni plante là le « mystère », le « suspense » (et ceux que ça intéresse) pour braquer sa caméra sur la dérive des sentiments, des cœurs et des corps, et filmer la décomposition intime de ses personnages. Sans juger, ni même expliquer le pourquoi du comment : il montre, il constate, il photographie les glissements, les moments où l'on perd pied, où l'improbable s'instaure.
Ses films suivants seront des variations, allant vers l'épure, autour de ce même regard, de cette même approche du réel, résolument anti-documentaire, anti-cinéma-vérité. Un cinéma de l'intériorité, de la fluidité, de l'aventure spirituelle. Film-manifeste, l'Avventura révéla aussi une extraordinaire actrice, emblématique de l'univers d'Antonioni : Monica Vitti. Elle sera, pendant quelques films, l'héroïne du mal à être de ce cinéaste secret, scrutant l'âme humaine au microscope.