Chinatown

Chinatown

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Film policier de Roman Polanski, avec Jack Nicholson (J.J. Gittes), Faye Dunaway (Evelyn Mulwray), John Huston (Noah Cross), Perry Lopez (Escobar), Roman Polanski (l'homme au couteau).

  • Scénario : Robert Towne
  • Photographie : John A. Alonso
  • Décor : Ruby Levitt
  • Costumes : Richard Bruno
  • Musique : Jerry Goldsmith
  • Montage : Sam O'Steen
  • Production : Robert Evans
  • Pays : États-Unis
  • Date de sortie : 1974
  • Son : couleurs
  • Durée : 2 h 02 (version européenne) ; 2 h 11 (version intégrale)

Résumé

Los Angeles, 1937. J.J. Gittes, détective privé spécialisé dans les filatures matrimoniales, a pour cliente Evelyn Mulwray, qui lui demande de suivre son mari, responsable du Service des eaux de la Ville. Mais l'affaire est loin d'être simple, car tout le monde joue double jeu. Gittes se rend compte qu'il s'est fait rouler par Evelyn Mulwray, dont le mari est tué. Il s'agit en fait d'une sombre affaire qui mêle trafic d'argent (le détournement des eaux qui viennent irriguer la ville) et histoire de mœurs (un inceste) avec, au centre, la figure du Mal, incarnée dans le personnage de Noah Cross par un John Huston complètement pervers.

Commentaire

Un univers putride

Roman Polanski se trouvait en Europe lorsque Jack Nicholson lui fit la proposition de venir mettre en scène à Hollywood un scénario écrit par Robert Towne, tout droit dans la grande tradition du film policier inspiré de Chandler ou de Dashiell Hammett. Le cinéaste accepta, sans doute pour se remettre à flot à la suite de deux échecs relatifs en Europe, Macbeth et What ? La première chose à laquelle s'attela Polanski fut de donner un peu d'âme au scénario, non sans l'avoir, dans un premier temps, raccourci. Ce qui lui tint particulièrement à cœur, ce fut à l'évidence de recréer l'atmosphère des films noirs de jadis, et, de ce point de vue, Chinatown est une belle réussite. Le personnage de J.J. Gittes est pratiquement dans chaque plan du film, car toute l'histoire est vue par son regard. À travers lui, le spectateur est plongé dans cette histoire complexe, au climat douteux, parfois même nauséeux, jusqu'au dénouement dramatique : la mort de Noah Cross au cœur de Chinatown. Et l'on réussit enfin à démêler le nœud incestueux de cette sombre intrigue tournée en pleine lumière californienne.

La personnalité de Nicholson est pour beaucoup dans la réussite du film : le cynisme habituel du grand comédien américain n'opère pas, car le personnage qu'il incarne est sans cesse en situation de vouloir rattraper une histoire qui le dépasse. L'idée de le défigurer pendant les trois quarts du film en lui faisant porter un sparadrap sur le nez – suite au coup de canif que lui donne un personnage de petit truand sadique, qu'interprète Roman Polanski en personne – est également fort originale : toute la violence physique du film est concentrée sur ce petit morceau de tissu blanc.