Apocalypse Now
Apocalypse Now
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».
Film de guerre de Francis Ford Coppola, avec Marlon Brando (le colonel Kurtz), Robert Duvall (le colonel Kilgore), Martin Sheen (le capitaine Willard), Frederic Forrest (le chef), Albert Hall (le chef de patrouille), Sam Bottoms (Lance), Larry Fishburne (Clean), Dennis Hopper (le journaliste-photographe), D. G. Spradlin (le général), Harrison Ford (le colonel).
- Scénario : John Milius, Francis Ford Coppola, librement adapté d'après le roman de Joseph Conrad Cœur des ténèbres
- Commentaire : Michael Herr
- Photographie : Vittorio Storaro
- Décor : Dean Tavoularis
- Musique : Carmine Coppola, F. F. Coppola
- Montage : Richard Marks, Walter Murch, Gerald B. Greenberg, Lisa Fruchtman
- Production : F. F. Coppola
- Pays : États-Unis
- Date de sortie : 1979
- Son : couleurs
- Durée : 2 h 33
Résumé
La guerre fait rage au Viêt Nam une guerre en forme de spectacle, avec son cortège de massacres, d'explosions psychédéliques, de napalm et de bombes, de sang, de sexe, de drogue et de rock'n roll. Kurtz, un colonel des Bérets Verts, a succombé à la folie ambiante et pris la tête d'une tribu de montagnards cambodgiens, sur laquelle il règne en maître absolu. Les services spéciaux chargent un jeune officier, le capitaine Willard, de liquider le rebelle.
Commentaire
Voyage au bout de la violence
Apocalypse Now est, comme le roman de Conrad qui lui servit de modèle, un double voyage, physique et spirituel, une double remontée aux sources : l'exploration hasardeuse d'une contrée inconnue, le dévoilement progressif d'une figure ambiguë, tapie au « cœur des ténèbres », et qui s'y dissout sitôt qu'aperçue. Cause première de ce périple, qui se conclura par son sacrifice, le colonel Kurtz apparaît à la fois comme un homme raffiné et barbare, un officier d'élite, un bon père de famille, un poète et un tortionnaire, un tyran mégalomane, ordonnateur de rites païens innommables : une masse d'insolubles contradictions, un être qui a dépassé « toutes les limites », et dont le crime majeur est d'avoir voulu assumer pleinement la logique de la guerre, et en porter seul le poids sur ses épaules.
Willard, le mercenaire, considère cette énigme avec la froide indifférence d'un « messager de la mort » en état d'hébétude prolongée. Chaque étape de son trip le rapproche physiquement et psychologiquement de Kurtz, conditionnant subtilement sa vision des choses, tandis que nous glissons peu à peu de la guerre officielle à la lutte clandestine, des bombardements aériens aux combats de jungle, de la technologie avancée au corps à corps primitif, du théâtre traditionnel des opérations au domaine secret, magique, d'un roi dément et sanguinaire.
Cette régression, articulée en douze séquences lyriques, violentes, d'une extrême densité et d'une saisissante beauté visionnaire, débouche sur la plus audacieuse des « conclusions ». Au terme du voyage, la folie guerrière, bruyante et orgiaque, s'abolit dans l'horreur lancinante de la culpabilité et du souvenir. L'action s'apaise en une longue confession, en une pure contemplation, et la victime se prête aux coups de son exécuteur, depuis longtemps espéré : il n'existe aucune réplique légitime au mal ; seul un assassin peut tuer un assassin, seule la violence peut effacer la violence…