steppe
(russe step)
Formation discontinue de végétaux de petite taille, adaptés aux milieux secs, souvent herbacés, des régions méditerranéennes subarides, des régions tropicales ou de celles de climat continental à hivers très froids et à étés très secs.
On distingue les steppes des moyennes latitudes, aux climats continentaux, et celles des régions méditerranéennes et intertropicales. Toutes subissent annuellement deux périodes peu favorables : l'une (l'hiver) plus ou moins froide, l'autre (l'été) très sèche, arrêtant toutes deux pratiquement le développement de la végétation. Les exemples les plus connus sont : la grande Prairie nord-américaine, entre le Mississippi et les montagnes Rocheuses, la pampa argentine, la Puszta hongroise, le sud de la Russie, l'Asie centrale, les hauts plateaux de l'Afrique du Nord, le haut-veld d'Afrique du Sud, entre le fleuve Orange et le sud du Transvaal, et les prairies de l'île du Sud de la Nouvelle-Zélande.
Les steppes subdésertiques sont caractérisées par une faible densité de plantes et par l'existence d'une couche basse de graminées annuelles (steppe à alfa), et des pseudo-steppes, dans les régions semi-arides, sans graminées mais à arbustes bas comme l'armoise ou à plantes succulentes (suphrobes, arthrophytes), qui font la transition entre les steppes et les déserts.
1. Les flores
Lorsque les précipitations s'abaissent au-dessous de 300 mm par an avec une saison chaude qui favorise la transpiration végétale, les réserves sont insuffisantes pour l'alimentation des arbres (ce qui oppose la steppe à la savane), mais aussi pour celle d'une couverture herbacée dense. L'espacement des végétaux répond donc au déficit hydrique. De la même façon, les buissons et les arbres rabougris expriment le manque d'eau en période d'activité végétale, ce qui se traduit par une faible production de matière organique. Certaines adaptations physiologiques, comme l'absence de feuilles (cactus), la prédominance des épineux ou le développement d'appareils de mise en réserve de l'eau (succulents), caractérisent la steppe.
Les graminacées vivaces sont fréquentes dans les formations steppiques : Agropyrum, Koeleria, Festuca, Andropogon et en particulier le genre Stipa, fréquent en Europe, en Asie et même en Amérique du Nord. Les épis murs de ce dernier genre sont munis de très longues arêtes (20 cm). Pour S. pennata, celles-ci sont, en outre, flexueuses, fortement plumeuses, à poils blancs soyeux étalés. Ces plantes présentent de nombreuses caractéristiques d'adaptation à la sécheresse (tissus sclérifiés, épidermes cutinisés, feuilles enroulées). Dans les steppes se développent également d'autres plantes herbacées vivaces, souvent tomenteuses, aromatiques ou subligneuses, telles que les composées et les légumineuses (steppes à armoises ou à euphorbes succulentes), ou même des sous-arbrisseaux, tels que des asclépiadacées (Anabasis), ou de petits arbres comme le saxaoul (chénopodiacées), qui vit dans les sols salés sableux du Turkestan, en Iran et jusque dans le Gobi. Les annuelles (par exemple des graminacées comme Aristida et Bouteloua de la grande plaine nord-américaine), ordinairement rares, sont parfois abondantes, surtout pendant la saison humide, quand les plantes vivaces subissent une attaque trop importante par les herbivores.
Quelles que soient les espèces, toutes possèdent un enracinement très profond, fonction de la pluviosité. Une stratification racinaire existe ; elle diminue la compétition, qui est encore réduite par l'échelonnement des diverses périodes d'épanouissement : ainsi, certaines espèces ont leur développement maximal au printemps (les plus nordiques d'origine), alors que d'autres, plus méridionales, l'ont en été ou en automne. Enfin, on remarque que toutes les espèces n'apparaissent pas toutes les années, et ce en fonction des conditions climatiques.
2. Des sols noirs aux sols à croûtes
Étendus des forêts tempérées aux déserts, les prairies sont installées sur des sols de plus en plus minces en direction des régions arides (de 2,50 m d'épaisseur) à moins de 50 cm et de plus en plus clair.
Après la période de courte végétation, qui se place entre la fin de l'hiver et le début de l'été, une grande partie des constituants du tapis végétal meurt. La décomposition de cette matière organique est ralentie par les conditions climatiques. Il s'ensuit un enrichissement en surface de matière organique à forte teneur en azote et en composés calciques (réaction neutre). Suivant la pluviosité et le degré de lessivage, on trouve différents types de sols.
2.1. Les zones riches
En Ukraine (350 mm de pluies), sous un tapis végétal relativement continu, où le lessivage est presque complet, il y a des tchernozems, ou terres noires, qui peuvent atteindre une épaisseur de plus de 1,50 m. Ce sont des sols extrêmement fertiles. Ils sont très souvent développés sur une couverture de loess, matériaux fins, riches en carbonates, transportés par le vent. La caractéristique la plus spectaculaire de ces sols est leur couleur noire, sur une grande hauteur (près de 1 m parfois), due à l'énorme épaisseur de l'humus. Ces sols sont souvent nommés sols isohumiques, ce qui évoque l'extraordinaire incorporation de la matière organique (humus) dans toute la partie supérieure de ces sols.
3.2. Les zones arides
Avec une végétation clairsemée, peu productive, des précipitations faibles, la hausse des températures et l'augmentation de l'évaporation, ce qui entraîne des phénomènes de lessivage des argiles et de migration des carbonates en profondeur, les conditions de constitution d'un sol ne sont pas réunies. La plupart du temps, celui-ci est squelettique, favorisant tous les phénomènes d'érosion par les eaux courantes et surtout par le vent. Sous climat méditerranéen (250 mm de pluies), où il n'y a qu'un lessivage très incomplet (notamment en Afrique du Nord), on rencontre des sols châtains. Les dépôts de carbonates de calcium prennent d'abord la forme de filaments, puis de concrétions, ensuite d'encroûtements friables qui annoncent les croûtes dures et continues des régions semi-arides tempérées telles que la caliche d'Amérique du Nord ou la tosca de la pampa. Enfin, dans des conditions subdésertiques (environ 150 mm de pluies), où il n'y a pas de lessivage de carbonates, se localisent les sols gris, pauvres en matière organique, avec, en surface, des concrétions de carbonates.
3. La faune
Comme les plantes, les animaux vivant dans les steppes sont adaptés aux conditions rigoureuses du biotope (climat alternativement froid et chaud, avec un déficit hydrique non négligeable et un taux assez faible de ressources alimentaires). Aussi la faune se compose-t-elle de grands herbivores capables d'effectuer des déplacements importants, réglés par la quête quotidienne de la nourriture et de l'eau ainsi que par le rythme annuel des climats : Equus, gazelle, antilope, chameau en Asie et bison en Amérique. Ils sont accompagnés d'oiseaux et d'insectes migrateurs (grues, sauterelles) ; ces dernières, en troupes innombrables, peuvent provoquer des destructions considérables du tapis végétal.
Un certain nombre d'animaux sont fouisseurs, car la végétation n'offre qu'un maigre abri. Ils transforment parfois le sol en véritables éponges peu solides à cause de l'importance des galeries : rongeurs (hamster, gerboise, écureuil, lapin, marmotte bobak, spermophile...), petits carnivores (chien de prairie, putois marbré). Ils ont une vie active la nuit et sont tous cantonnés dans leurs terriers pendant le jour. Quelques-uns entrent en hibernation plus ou moins totale pendant la saison froide. Les lézards et les serpents sont aussi très fréquents dans ces formations et, en Afrique, la présence de ces espèces conditionne la vie d'un oiseau, le serpentaire, qui se nourrit surtout de reptiles. Un rôle important est imparti aux insectes, en particulier aux fourmis, aux abeilles, aux guêpes, qui creusent de nombreuses galeries et jouent ainsi un rôle dans la structure des sols.
4. Quelques grandes steppes
4.1. Les steppes de la zone intertropicale
Les steppes de la zone intertropicale sont représentées par les steppes sahéliennes, les steppes de l'Afrique orientale et du désert du Kalahari, le mulga périphérique du désert central australien, le caatinga du Polygone de la soif au Brésil, les steppes du pourtour de la Pampa argentine et des hauts plateaux andins. Au-delà de la multiplicité des localisations, quelques traits d'unité se dégagent : prédominance des plantes ligneuses, buissons et arbustes, très espacés et généralement épineux, donc bien adaptés à la sécheresse ; omniprésence du robinier. Les limites de la steppe intertropicale sont constituées par le désert et, en direction des régions plus arrosées, par la savane ou la forêt sèche.
La Pampa argentine
La Pampa argentine ainsi que l'extrême sud du Brésil et de l'Uruguay forment un vaste pays d'herbe (environ 500 000 km2), riche en graminées (environ 300 espèces). Ces paysages bas, marqués par de rares galeries forestières, correspondent à des sols provenant de la cordillère des Andes, comme le prouve leur richesse en verre volcanique et en cendres.
4.2. Les steppes de la région aralo-caspienne
Les steppes de la région aralo-caspienne sont très riches en espèces végétales, souvent endémiques : surtout des graminacées, des chénopodiacées, des légumineuses, des polygonacées et des composées. Il en est de même pour la faune, qui est extrêmement particulière. Au fur et à mesure que l'on va vers l'ouest, on rencontre des colonies isolées de plus en plus réduites et floristiquement pauvres. Cette fragmentation aurait une origine paléoclimatique (glaciations).
4.3. Les steppes d'Amérique du Nord
En Amérique du Nord, les steppes couvrent de très grandes surfaces et constituent la « grande prairie », avec des Agropyrum et des Stipa (communs à l'Ancien Monde), mais aussi avec des espèces endémiques et des genres spéciaux (Bouteloua). Elles possèdent des conditions climatiques très variées, la pluviosité, très réduite, pouvant être répartie seulement pendant quelques mois et les températures étant très froides dans le Nord (Manitoba), à la frontière canadienne, et chaudes dans le Sud (18 °C de moyenne annuelle vers le Texas). Ainsi le couvert végétal n'est-il pas uniforme sur toute son étendue. Les prairies à hautes herbes de l'Est s'opposent aux prairies à herbes courtes de l'Ouest. Les herbes hautes peuvent atteindre 2 mètres et leur système racinaire est particulièrement dense et touffu, plongeant jusqu'à 2,5 m de profondeur pour y puiser l'eau disponible. Les graminées les plus célèbres de la Prairie d'Amérique du Nord sont le blue grama (Bouteloua gracilis), l'herbe à bison (Buchloe dactyloides) et le big bluestem (Andropogon gerardi).
La quantité de végétaux sur les prairies hautes du Missouri a été évaluée à environ 25 t/ha. La productivité de cette biomasse est environ de 15 t/ha/an. Des chiffres identiques ont été obtenus pour les steppes russes et ukrainiennes.
On pense que ces steppes se sont établies dans ces régions à la faveur de l'époque xérothermique postglaciaire et qu'elles s'y sont maintenues par suite des pratiques agricoles et des feux. Dans les montagnes Rocheuses (Grand Bassin), il existe des formations buissonnantes à Artemisia tridentata (Sagebrush) qui peuvent être assimilées à des steppes à armoises.
4.4. Les steppes de Patagonie
En Patagonie, les steppes subissent un climat froid et humide, et possèdent d'importants peuplements d'épineux tels que Berberis et Lycium.
5. La mise en valeur des steppes
La médiocrité des ressources de la steppe, liée au manque d'eau, la voue à l'élevage extensif, où les fréquents déplacements du troupeau (chameaux, moutons, etc.) constituent une nécessité vitale : recherche de la nourriture rare, quête de régions récemment arrosées par les pluies. Aussi le nomadisme s'impose-t-il comme une forme d'organisation de la vie et des activités humaines adaptée au milieu naturel. Les cavaliers nomades de la steppe apparaissent en outre comme des guerriers, venus d'Asie, dont le déferlement en Europe occidentale, au Moyen Âge, détermine la période des invasions barbares. Aujourd'hui, l'élevage industriel s'est développé en Australie et en Argentine en particulier. La céréaliculture est parfois rendue possible par les techniques agricoles les plus modernes.