solidarisme

Théorie visant à développer les formes diverses de la solidarité dans la vie sociale.

En 1896, Léon Bourgeois publie sous le titre Solidarité plusieurs articles qu'il a déjà fait paraître dans la Nouvelle Revue. Entre le libéralisme trop égoïste et le socialisme trop collectiviste, Léon Bourgeois propose le solidarisme : solidarité entre les individus (associations de tous types reposant sur la notion de contrat notamment les mutuelles et les coopératives), arbitrage dans les conflits du travail comme dans les conflits internationaux, intervention claire mais limitée de l'État en matière économique et sociale par des lois favorisant les associations, la protection sociale et, grâce à l'instauration d'un impôt sur le revenu, développement de l'instruction gratuite et des assurances sociales. Le but des solidaristes, qui déclarent s'inspirer tout à la fois de la méthode scientifique (il y a dans toute société animale une loi de solidarité naturelle) et de l'idée morale (la solidarité est un devoir, un impératif moral), n'est pas de supprimer les inégalités sociales non plus que les inégalités entre États mais de les réduire. Le solidarisme émane en même temps qu'il l'inspire du radicalisme républicain et des organisations diverses qui gravitent autour du parti radical : loges maçonniques, organisations laïques (Léon Bourgeois, franc-maçon, sera président de la Ligue française de l'enseignement). Le programme du parti radical et du parti radical-socialiste adopté en 1907 porte la marque du solidarisme dans ses parties relatives à la fiscalité, aux réformes sociales, à la politique internationale. Le solidarisme dépasse cependant les frontières du parti radical sur sa droite et sur sa gauche. De plus, il donne un fondement à la morale laïque enseignée dans les écoles de la République. Parmi les solidaristes, figurent notamment le sociologue Célestin Bouglé, l'économiste Charles Gide, le radical Ferdinand Buisson, défenseur de l'école laïque et l'un des fondateurs de la Ligue des droits de l'homme, le républicain modéré Jules Siegfried, auteur de la loi de 1892 sur la conciliation et l'arbitrage en matière de conflits du travail et promoteur des habitations à bon marché, Léopold Mabilleau, directeur du Musée social, créateur et président de la Fédération nationale de la mutualité française. Les solidaristes sont des ardents défenseurs des lois de 1884, organisant la liberté syndicale, et de 1901, organisant la liberté associative. Ministre du Travail en 1912, Léon Bourgeois estime que les syndicats sont des stabilisateurs sociaux dont l'action quotidienne peut permettre d'éviter des grèves.

Par les lois qu'ils font voter, les solidaristes donnent une impulsion décisive à l'économie sociale : loi du 1er avril 1898 qui favorise le développement de la mutualité, loi du 29 décembre 1906 qui fait de même pour la coopération en autorisant le crédit agricole à faire des avances à long terme aux coopératives. Le vote de l'impôt sur le revenu, en juillet 1914, représente l'ultime succès du solidarisme avant le conflit mondial.