revue

(anglais review)

Publication périodique spécialisée dans un domaine donné.

Les revues littéraires, poétiques et même philosophiques servent principalement de tribune aux mouvements d'avant-garde et s'emploient, par là, à implanter dans le public des orientations, des mouvements et des auteurs nouveaux. Paraissant à date fixe et, le plus souvent, s'adressant aux seuls « initiés », elles sont utilisées soit à des fins professionnelles, soit à des fins de vulgarisation, soit à des fins d'information. Elles s'efforcent ainsi d'accomplir un travail de découverte ou de remise en valeur des écrivains et des œuvres.

Les premières revues

La revue et la presse en général prennent leur essor avec Théophraste Renaudot, médecin et historiographe du roi, qui, le premier, lance, le 30 mai 1631, la Gazette de France. La presse vraiment littéraire apparaît le 5 janvier 1665, avec la création du Journal des savants. Acquise par l'État en 1701, cette publication, qui devait être contrôlée par l'Académie des inscriptions et belles-lettres, parut jusqu'en 1909. La première revue littéraire fut le le Mercure galant, créé par Donneau de Visé et Thomas Corneille en 1672 ; sous la forme d'un volume de 300 pages, il parut d'abord tous les trois mois, puis tous les mois et compta parmi ses rédacteurs Fontenelle ; il adopta le nom de Mercure de France en 1714 et exerça, jusqu'à la fin du xviiie s., une très grande influence.

À l'époque des « Lumières », de l'Encyclopédie et des grandes polémiques philosophiques, les publications périodiques (mensuelles ou hebdomadaires) se multiplient. Elles expriment souvent une tendance intellectuelle plus ou moins affirmée.

Plus tard, les revues jouent un rôle essentiel dans les mouvements littéraires : le Globe est l'organe du romantisme libéral ; le Constitutionnel (libéral en politique) défend les thèses des « classiques ». En France, dès 1794, avec la Décade philosophique et plus tard avec la Revue encyclopédique (1819), se crée une nouvelle presse littéraire.

Les courants littéraires et les revues

La Revue des Deux Mondes, fondée en 1829 et dirigée par Buloz, s'impose comme la grande revue romantique, à laquelle collaborent Balzac, Sainte-Beuve, Mérimée, Victor Hugo, George Sand, Taine, Renan, lesquels publient, aussi, dans la Revue de Paris, fondée en 1829.

À la fin du xixe s. et au début du xxe s., de nouvelles revues littéraires s'imposent : la Revue blanche édite Mallarmé et les symbolistes, défendus ensuite par le Mercure de France (fondé en 1889 et qui ne disparut qu'en 1965). Charles Péguy crée les Cahiers de la Quinzaine en 1900. André Gide, Jean Schlumberger, Jacques Copeau lancent la Nouvelle Revue française (1909), qui est animée par Jacques Rivière, puis par Jean Paulhan et Marcel Arland, et dont les textes ont vraiment renouvelé la littérature française en révélant la plupart des grands écrivains de la génération de 1920 et en contribuant à faire connaître les écrivains les plus divers jusqu'à nos jours.

Les revues étrangères

En Grande-Bretagne, le journalisme littéraire prit son essor au début du xviiie s. avec Daniel Defoe, Steele et Addison (The Spectator, 1711-1714). Mais l'événement majeur est la création de l'Edinburgh Review (1802-1929), qui devait jouer un rôle fondamental dans l'histoire du romantisme, puisqu'elle compta parmi ses collaborateurs des écrivains tels que W. Scott, Carlyle, Macaulay. Plus tard le London Magazine (1820-1829) publia des textes de Thomas De Quincey, Charles Lamb, Thackeray.

En Allemagne, les Frankfurter gelehrte Anzeigen (1772-1790) furent un des principaux organes du Sturm und Drang, tandis qu'aux Horen (1795-1797), revue dirigée par Schiller, collaborèrent Goethe, Herder, Humboldt, A. W. Schlegel. L'Athenäum (1798-1800) des frères Schlegel fut pour le romantisme un véritable laboratoire spirituel.

L'avant-garde

L'avant-garde est une notion contemporaine, illustrée pour la période de l'entre-deux-guerres par les revues d'avant-garde dadaïstes et surréalistes, poétiques et littéraires, telles que Littérature, la Révolution surréaliste, « dirigées » par André Breton, et Minotaure (1933-1938), éditée par Skira. Ces trois revues expriment admirablement une nouvelle conception de la création littéraire. Elles devaient provoquer l'éclatement des formes traditionnelles. Le grand éclectisme de Minotaure permettait notamment de faire le point sur les découvertes effectuées dans les années précédentes.

Il faut encore citer le Grand Jeu, dirigé par René Daumal et Roger Gilbert-Lecomte, et Commerce (1924-1932), revue littéraire publiée par les soins de Paul Valéry, Léon-Paul Fargue et Valery Larbaud. Son travail d'exploration s'est organisé dans les directions suivantes : ouverture vers les littératures étrangères, surtout allemande, anglaise et espagnole, appel aux surréalistes, publication des auteurs déjà reconnus par l'élite française, remise en valeur de textes classiques français ou étrangers méconnus ou curieux. En 1963 et sous la direction d'André Dalmas, un Nouveau Commerce s'est efforcé de renouer avec la même haute tradition de découverte et de remise en valeur.

Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses revues ont vu le jour, telles que les Temps modernes (1945), de Sartre, Critique (1946), de Georges Bataille, Tel Quel (1960-1982), de Philippe Sollers, Jean-René Huguenin et Jean-Edern Hallier. Ces diverses revues, qui s'inscrivent dans un ici et maintenant, permettent de situer les grandes manifestations de l'esprit et les préoccupations de l'homme contemporain, voire les vogues et les leurres.

Au cours des siècles, les revues n'ont cessé de naître, pour disparaître très vite, généralement pour des raisons financières : de tels « terrains d'essai » ne sont pas rentables. Phénomène unique et sans lendemain, la revue littéraire – quelle qu'elle soit – est le lieu où toute écriture se tente. Le créateur écrit très rarement « pour une revue » mais « grâce » aux revues, lesquelles rompent son isolement, le plus souvent insupportable. En effet, à notre époque, « écrire » c'est « continuer à écrire », malgré l'impopularité, c'est « amorcer la communication minimale ».