paradoxe

(grec paradokson, de para, à côté, et doksa, opinion)

Opinion contraire aux vues communément admises.

Le paradoxe est, au sens large, une idée, une chose contraire à l'opinion commune, une proposition susceptible d'engendrer une contradiction. Plus exactement, le paradoxe est une impossibilité logique à partir d'un raisonnement qui semble correct mais qui condense des niveaux logiques différents (Russell). Il se rapproche ainsi du « double bind » de Bateson et des ethnopsychologues de Palo Alto : une double injonction contradictoire apparaît à des niveaux différents d'un message mais comporte l'interdiction pour le sujet de repérer la contradiction en distinguant précisément les niveaux (en ce sens le paradoxe définit la schizophrénie).

Le paradoxe porte sur les termes ou sur le développement d'un argument ; il est un moyen de souligner une démonstration. L'ancienne rhétorique désignait par tour de paradoxe (ou encore antilogie) une figure, assimilable à l'oxymore, qui affirme ou nie les deux contraires d'une même chose (« Présente, je vous fuis ; absente, je vous trouve », Racine, Phèdre). Certains critiques (F. Schlegel, De Quincey, Cleanth Brooks) ont montré que le paradoxe est constitutif de l'expression poétique qui procède par induction et contradiction, et se définit par une dualité dont la synthèse est assurée par l'acte de lecture. Le paradoxe est au cœur même d'une littérature moderne (Artaud, Blanchot) qui a pour sujet sa propre impossibilité, l'écriture ne cessant d'expliquer et d'écrire la mort de l'écriture. Chez R. Barthes, le paradoxe, pour être également lié à l'écriture, assure une autre fonction : « tactique sans stratégie », il permet de déjouer les pièges de l'idéologie (toujours renaissante), les ruses de la « doxa », les indurations du stéréotype.

→ rhétorique, figure